Asphyxié par la violence des gangs armés, le secteur privé haïtien souhaite un déploiement rapide de la force multinationale

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Plusieurs organisations du secteur privé haïtien ont adressé une lettre au président du Kenya, William Huto, le mardi 15 avril 2024. Objectif : réclamer le déploiement de la force multinationale en Haïti et exprimer des préoccupations par rapport au retard de la mission d’appui à la sécurité. Cette demande intervient dans un contexte où le phénomène de l’insécurité pulvérise la région métropolitaine de Port-au-Prince. Le secteur des affaires, conscient de la gravité de la situation, espère et sollicite même un peu de célérité de la part des autorités kényanes.

Port-au-Prince, le 21 avril 2024.- Pour la première fois depuis l’évocation de l’éventualité de la mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti, les principaux acteurs du secteur privé manifestent leur intérêt clairement en faveur du déploiement de celle-ci. Ils le veulent même dans un délai relativement court.

Dans une lettre adressée au président du Kenya, William Huto, le 15 avril 2024, des associations patronales et les principaux regroupements de grands hommes d’affaires, notamment le regroupement patronal haïtien (RPH), expriment leurs inquiétudes par rapport au retard de la force militaire kényane. Les signataires en ont profité pour demander d’accélérer le processus de déploiement de la mission en Haïti dans un bref délai.

« Les soussignés, membres de la communauté des affaires haïtienne, restent extrêmement préoccupés par le regrettable retard pris dans le déploiement du MSSM, plus de six mois après l’adoption de la résolution 2699, à moins de trois mois de la fin de son mandat initial de neuf mois, le 2 juillet prochain », lit-on dans cette lettre en anglais.

À souligner que, dans cette lettre, les acteurs du secteur privé haïtien ont fait mention de l’initiative de la Caricom, visant à mettre en place un gouvernement inclusif pour accueillir la force multinationale. « Compte tenu de la formation imminente du gouvernement haïtien de transition, largement ouvert et inclusif, attendue dans les jours à venir, les membres de la communauté d’affaires soussignés se réjouissent d’accueillir les forces kényanes dans un délai relativement court », peut-on lire dans cette correspondance.

Le secteur privé haïtien serait-il victime ou complice de ce chaos ?

Depuis un certain temps, le secteur privé haïtien est pointé du doigt dans le chaos qui sévit en Haïti depuis ces dernières années. Selon les révélations de Jean Rebel Dorcénat, porte-parole de la commission nationale de désarmement, démantèlement et réinsertion sous la présidence de Jovenel Moïse, environ onze (11) familles auraient le contrôle des trafics illicites d’armes à feu et de munitions en Haïti, sans citer de noms.

En effet, l’arrestation d’un important homme d’affaires nommé Arby Franck Larco à Puits-blain (Delmas 75) le 25 décembre 2019, pour détention illégale d’armes à feu et de munitions, a permis de mettre en lumière la problématique de la complicité de certains hommes d’affaires dans l’insécurité qui règne en Haïti.

« Les habitants des quartiers défavorisés de Port-au-Prince n’ont pas d’argent pour acheter des fusils d’assaut et des munitions. Tout est contrôlé et financé par des politiciens traditionnels pour assurer leurs batailles électorales. Et surtout par une frange de la bourgeoisie haïtienne, pour instaurer un climat d’insécurité sur les côtes littorales de Port-au-Prince afin de contrôler les ports », témoigne un étudiant en sociologie et relations internationales.

Pourtant, depuis l’unification de deux fédérations de gangs de Port-au-Prince « G9 » et « G-Pèp » sous la bannière de « VIV ANSANM », le secteur privé haïtien est identifié comme une véritable cible à abattre. Depuis le soulèvement des gangs armés le 29 février 2024, des hommes d’affaires ont été évacués par hélicoptère accompagnés de membres de leur famille.

Le secteur des affaires haïtien a enregistré des pertes significatives telles que le pillage du Caribbean Port Service SA situé sur le boulevard de La Saline, de la maison de Toyota et de la maison Dupout au bas Delmas. Autant d’éléments qui montrent que les hommes d’affaires paient aussi les frais de cette insécurité galopante qui ravage la capitale. En ce sens, les monstres seraient-ils à la chasse de leur créateur ? Une réponse tant attendue !

Les principaux obstacles pour la venue de la force multinationale en Haïti

Sollicitée par le gouvernement déchu d’Ariel Henry depuis octobre 2022, la communauté internationale a beaucoup tergiversé avant d’approuver cette demande à l’ONU. Cette mission, qui devait être dirigée par le Kenya, a buté sur des enjeux politiques et diplomatiques.

Dans un premier temps, sous la contestation de l’opposition politique kényane, la cour suprême du Kenya s’est opposée à l’envoi d’un millier d’officiers de police en Haïti dans une décision prise le 26 janvier 2024. Jugeant leur déploiement « inconstitutionnel, illégal et invalide », selon les prescriptions constitutionnelles kényanes.

Ensuite, malgré cette décision judiciaire, un accord a été trouvé à l’extraordinaire par le gouvernement démissionnaire haïtien et le président du Kenya, William Huto, pour accélérer le déploiement de la force en Haïti.

Sous la pression d’une partie de la classe politique haïtienne et de l’insurrection des gangs armés de « VIV ANSANM », le Premier ministre démissionnaire Ariel Henry a été empêché de regagner son poste en Haïti. À cet effet, la communauté internationale a forcé ce dernier à tirer sa révérence pour éviter le pire. Le neurochirurgien a tout de suite annoncé son intention de démissionner par visioconférence, après l’installation du conseil présidentiel de 7 membres imposé par le « blanc ».

Il faut rappeler que l’intervention de la force multinationale militaire en Haïti est une des exigences faites par la communauté internationale. Donc, dans l’impasse de trouver une entente entre le conseil présidentiel et le gouvernement démissionnaire pour assurer la passation de pouvoir, l’autorisation du déploiement de la force multinationale reste incertaine.

Dans un contexte où la violence des gangs armés a détruit presque toutes les infrastructures publiques et privées importantes de la capitale haïtienne et le terrible crash d’un HÉLICOPTÈRE militaire kényan le jeudi 18 avril 2024, ayant coûté la vie au général en chef de l’armée du Kenya, Francis Omundi Ogolla et 9 autres hauts gradés, l’intervention de la force militaire multinationale tant espérée par la population haïtienne, en particulier le secteur privé haïtien, ne semble pas pour demain.

Judelor Louis Charles
VANT BÈF INFO (VBI)

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