Retour du « Père Lebrun» en Haïti: Entre satisfaction et inquiétude

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Le lynchage spectaculaire suivi de l’incendie de pas moins de 13 présumés bandits dans le pays, le lundi 24 avril 2023, a initié les révoltes populaires dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince dont une bonne partie est contrôlée par des gangs armés qui se permettent de tout. Cette réaction brutale des membres de la population a réédité l’un des chapitres les plus barbares de la culture de la sauvagerie humaine : la « torture du Père Lebrum ». Cette méthode cruelle d’extermination est le pire héritage de l’époque où cette terre de Dessalines était dirigée par l’ancien président Jean Bertrand Aristide. Cette pratique des années 90/ 2000, transformée aujourd’hui en mouvement « Bwa Kale >>, n’est pas inédite. Le journal Vant Bef Info (VBI) a donc jugé bon de faire ce retour historique.

Port-au-Prince, le 30 avril 2023.- Élu par le peuple sur la base de ses promesses de rédemption des masses dépossédées, l’ancien prêtre de l’Ordre Salésien a promu cette forme de « torture » pour condamner à mort ses adversaires. Déraciné de sa communauté religieuse et partisan de la théologie de la libération, il n’avait ni honte ni piété humaniste de soulever les foules contre les restes de la dictature des Duvalier, père et fils, qu’il considérait comme des ennemis.

Les persécutés se sont retrouvés avec un collier de pneu enflammé, dont ils n’ont pas pu s’en échapper, ruminant leur douleur et leur désespoir devant des citoyens insensibles au sacrifice. Rappelant ces épisodes, les mêmes scènes ont été récemment reproduites dans le quartier de Canapé-Vert, à Port-au-Prince, lorsque les corps des 14 présumés bandits ont été transformés en bûchers humains après une perquisition de la police.

Avec toutes les libertés et les droits piétinés par les bandes criminelles et la réaction des adversaires qui les persécutent, le chemin de la « torture du Père Lebrum » resurgit et plonge le pays dans sa pire tragédie. Ces formes de corps brûlés ont également caractérisés le début de l’Indépendance avec Dessalines. Elles ne sont donc pas étranges dans les comportements de l’être Haïtien. Il existe de puissantes raisons à l’étonnement et à l’inquiétude tant des nationalistes que des pays du monde entier qui nous observe face au cours du sang, de la violence et de l’instabilité en Haïti.

Le mouvement « Bwa Kale >> s’étend progressivement

De jeunes hommes armés de machettes, de pierres ou de couteaux et parfois cagoulés partent à la chasse aux membres de gangs, souvent accompagnés de la police. Aussi des appels à se joindre à la poursuite des bandits sont publiés sur les médias sociaux dans d’autres quartiers de la capitale et des villes de province, constate-t-on.

Au fil des jours, l’opération civile est passée d’ « Opération Recherche de bandits » à « Bwa Kale » qui était, on se le rappelle, le fameux slogan utilisé l’année dernière dans les manifestations antigouvernementales.

Des images d’exécutions de criminels présumés circulent sur Internet et sont de plus en plus cruelles. Sur ces images, les présumés bandits reçoivent de grosses pierres, des morceaux de bois et de fer en pleine tête et sur tout le corps. Une fois, à terre ils les recouvrent de pneus enflammés.

« Nous sommes un poison pour les bandits », crient des hommes dans l’une des vidéos qui circulent, où on les voit massacrer avec rage deux bandits présumés.

Une symbiose inhabituelle s’opère entre la police et la population dans la lutte contre le crime organisé dans le pays, avec la multiplication des opérations policières visant à expulser les bandits qui prennent le contrôle de la capitale.

Selon les informations fournies jusque-là par les autorités, plusieurs criminels présumés ont été mortellement blessés lors d’échanges de tirs avec la police et des armes ont été saisies.

En outre, durant la dernière semaine du mois d’avril, le pays a enregistré très peu de cas d’enlèvement, une pratique qui a été normalisée au point de comptabiliser au moins un millier de cas par an. Il s’agit en effet d’une source de financement facile pour ces groupes criminels.

Des organismes de droits Humains montent au créneau

Des organismes de défense des droits humains dans le pays se disent préoccupés par ce phénomène. Ils condamnent « toute forme de justice expéditive en vertu du principe du respect du droit à la vie ». Pour eux, « il faut combattre ces agissements afin d’éviter qu’ils prennent des proportions alarmantes ».

D’autres observateurs par contre encouragent la poursuite et le renforcement de l’opération <> évoquant la dissolution de l’Etat pour asseoir leur argumentation. « La mobilisation citoyenne est le seul moyen de combattre cette forme de banditisme qui règne en maitre dans le pays », ajoutent-ils.

Yves Manuel

Vant Bef Info (VBI)