Bas-Delmas, Centre-ville, Croix-des-Bouquets et l’Artibonite, des « territoires perdus » ou l’expression de l’État fantôme

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Alors que l’ombre des gangs plane terriblement sur Bas-Delmas, l’Artibonite et Croix-des-Bouquets, l’absence d’autorités étatiques est palpable. Pris dans l’étau des bandits, ces territoires, devenus des zones de non-droit, sont plongés dans une spirale de violence exacerbée. Les riverains sont livrés à eux-mêmes. La Police nationale d’Haïti (PNH) paraît impuissante malgré ses efforts. En guenille face aux gangs, ces derniers les dépassent en effectif, en armes et en munitions, de l’avis de plus d’un.

Delmas, mercredi 17 avril 2024.- Haïti vit un film d’horreur sans précédent depuis plusieurs années. La violence des gangs a atteint des niveaux alarmants avec une propagation rapide dans des zones rurales, paisibles autrefois, mais devenues des territoires inaccessibles. Près de 80% des régions de la capitale sont aujourd’hui occupées par plus de 300 gangs, tous réunis sous le label « Viv Ansan m ». Parmi ces territoires, Croix-des-Bouquets, Bas-Delmas et en dehors du département de l’Ouest, l’Artibonite sont en alerte rouge. Conséquences : les affrontements des gangs ont provoqué une forte migration.

Les citoyens fuient la violence armée

Dans plusieurs quartiers de la capitale de Port-au-Prince notamment à Tabarre, les récentes escalades de violences ont entraîné le déplacement d’au moins 15 000 personnes dont la majorité s’était déjà déplacée. La plupart d’entre elles ont trouvé refuge dans quelques sites déjà existant, au nombre de six (6), d’autres sont logées dans des sites créés spontanément. De plus, l’ampleur des violences ont perturbé les activités scolaires. La fermeture de nombreuses écoles dans plusieurs localités des communes de Delmas, Pétion-Ville, Croix-des-Bouquets et Carrefour a été enregistrée.

Les victimes se comptent par milliers

La région du Bas Artibonite est devenue, elle aussi, la cible d’attaques sanglantes de ces terroristes. Selon un rapport, entre janvier 2022 et octobre 2023, au moins 110 attaques ont été documentées dans 17 localités de l’Artibonite. Elles ont fait au moins 350 morts et 226 blessés. 118 enlèvements contre rançon ont aussi été enregistrés.

La PNH moins équipée que les gangs

En proie à cette insécurité grandissante, Haïti voit sa police nationale s’affaiblir relativement par la cruauté et les actions d’éclats des gangs. Créée en 1995, l’institution policière souffre malheureusement de certains déficits. Ce manquement est d’abord justifié au niveau de son effectif. Selon le Programme d’appui à la Police nationale d’Haïti, la PNH compte 16 000 officiers avec seulement 1 711 femmes pour une population de 11 millions d’habitants. Soit un faible ratio police/population de 1,30 agent pour 1 000 habitants. Insuffisant !

Remobilisés en 2015, après 20 ans d’absence, seuls 400 soldats ont été recrutés au sein de la PNH. Pourtant la PNH n’est pas seule. Elle reçoit l’aide des Forces armées d’Haïti et contient des unités spécialisées dont l’UDMO et le Swat.

Selon l’Office national des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), dans son dernier rapport sur le trafic illégal d’armes en Haïti, les gangs s’approvisionnent en munitions grâce au trafic d’armes illicite. Ils disposent d’armes sophistiquées comme des AK-47 russes, AR-15 fabriqués aux États-Unis et fusils d’assaut israéliens, Galil. La plupart de ces armes viennent des États-Unis. Les groupes armés facilitent leur entrée dans le pays en occupant des zones stratégiques comme des ports et des routes.

Conséquences humanitaires néfastes

La détérioration de la situation sécuritaire et le quasi-effondrement des services de base plongent des millions d’Haïtiens dans un état de vulnérabilité profonde. Un rapport produit par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) illustre bien la situation actuelle à laquelle la majorité de la population haïtienne fait face.

Plus de 89 000 personnes vivent dans 87 sites de déplacement. Parmi elles, 54 % sont des femmes et 34 % sont des enfants. 44 % de la population haïtienne souffrent d’insécurité alimentaire aiguë. Les affrontements ont perturbé l’accès à la nourriture et aggravé la situation déjà précaire. Avec la détresse des services de santé (L’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti est fermé depuis le 30 mars et l’Hôpital universitaire de la Paix est débordé), l’accès aux médicaments devient difficile et rare. Nathalie, une septuagénaire, affirme ne plus pouvoir se procurer de médicaments. La seule pharmacie proche de chez elle, située près de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti a été, elle aussi, la cible d’attaques de bandes criminelles.

Rappelons-le, l’insécurité fait rage dans le pays depuis la mort du président Jovenel Moïse, en 2021. Depuis lors, le pays a été le théâtre d’innombrables cas d’enlèvements, de meurtres, d’actes criminels et violents dont la population civile en est la principale victime. Pour faire face à cette insécurité grandissante, le gouvernement d’Ariel Henry avait appelé à l’aide les Nations Unies et des pays amis. Ils se sont entendus, après plusieurs négociations, sur l’envoi d’une force multinationale dirigée par le Kenya. Cependant, la mission a été suspendue le 12 mars dernier avec la démission du Premier ministre.

Toujours à l’affiche, l’insécurité s’amplifie avec la concrétisation de plusieurs promesses faites par les gangs armés telles que l’attaque contre le Pénitencier National de Port-au-Prince occasionnant l’évasion de 4 000 prisonniers. En réponse, la PNH a pu démanteler certains foyers de gangs, récupérer certaines zones et quelques munitions. Insuffisant ! Actuellement, le pays est bloqué, en attente de la mise en place d’un Conseil présidentiel. Projet qui, jusqu’à présent, avance à pas de tortue.

Xavière JEAN-PIERRE

Vant Bèf Info (VBI)

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