La reprise des activités scolaires : les défis énormes.

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Les activités scolaires se sont reprises timidement dans la capitale ce lundi 22 Avril 2024. Stoppées brutalement par les manœuvres subversives des hommes armés en ce mois de février, certaines écoles peinent encore à rouvrir leurs portes à Port au Prince. Si pour certaines la réouverture est progressive, pour d’autre l’incertitude et le doute planent encore.

Port au Prince, Lundi 22 Avril 2024.- « Si l’on veut détruire une nation, il faut s’attaquer à son système éducatif et y généraliser la corruption», disait un sage chinois. En Haïti, nombreuses sont les institutions scolaires qui ont essuyé des attaques armées en plein jour depuis la crise. Le droit à l’éducation, inaliénable et fondamental de la personne humaine, n’est plus de mise dans le pays. Les manifestations politiques à répétitions et la violence armée des gangs représentent un champ de mine pour l’avenir d’une jeunesse désorientée. Inéluctablement, l’année scolaire 2023 – 2024, vient s’allonger à la liste des années académiques gâchées.

Une reprise controversée

Après des semaines de cours en ligne, les responsables de l’école du jeune Mario décident de reprendre les cours en présentiel. Ce lundi 21 Avril, accompagné de son père, cet adolescent de 11 ans s’estime heureux de pourvoir retourner à l’école. Maillot bleu, pantalon noir, un baluchon à la main, il attendait cet instant depuis un mois. Sur son visage, les couleurs de l’espoir sont lisibles. Généralement, il devrait se vêtir de son uniforme. Mais, l’exaction des bandes armées impose à Mario et ses camarades une tenue hétéroclite.

De l’autre côté, Nerline Xavier, élève de la 7ème Année Fondamentale voit éroder en un clin d’œil son espace d’épanouissement. A Delmas 5, elle était obligée de fuir avec ses parents pour échapper à la terreur de ces sans foi ni loi. De sa maison, elle observe et voit partir en fumée les mobiliers et matériels de son établissement. Lentement sous ses yeux, son futur s’assombrit et disparait. Aujourd’hui, avec des larmes débordantes, elle espère retrouver ses camarades et les différents espaces de jeu de son école.

« Mon école se trouve à Delmas 19. Heureusement, elle n’a pas été victime d’actes de vandalisme. Pour le moment, je n’envisage pas d’ouvrir les portes. Vue la situation, j’observe toujours. Les dirigeants ne s’évertuent pas à sécuriser les espaces scolaires », déclare ce directeur qui ne veut pas mettre en danger l’institution, le personnel et les enfants.

Une plaie chronique

Alors que la violence des gangs était à l’étape embryonnaire, entre octobre 2022 et février 2023, plus d’un millier d’établissements scolaires étaient contraints de fermer leurs portes dans le pays, notamment à Port au Prince.

Seulement à Port au Prince dans la même période, plus de 1700 écoles sont fermées sur l’ensemble : 772 à Croix des Bouquets, 446 à Tabarre, 274 à Cité Soleil et 200 autres à Martissant, Fontamara, Centre-Ville et Bas Delmas. A cette liste s’ajoute, pour cette année 2024, toutes les écoles siégeant dans une zone « des territoires perdus ».

Jusqu’à date, aucun rapport n’est disponible sur le nombre d’institution scolaire vandalisée, pillée et incendiée. Sans doute, les chiffres ont doublé, voire plus. Le MENFP ne pipe mot à ce sujet. Chacun se débrouille à sa façon pour continuer ou pour abandonner. C’est la routine. Entre-temps, ce torrent de violence continue de mettre à genoux le paysage intellectuel et culturel haïtien.

Les écoles, doublement impactées

En 2020, l’insécurité a provoqué le déplacement de 19 000 personnes. En 2024, à un moment où la situation s’est aggravée, le nombre de réfugié défie toutes statistiques. Jusqu’en Avril 2024, sur les 362 500 déplacés, 94 821 sont logés à la campagne tandis que 89 000 se réfugient dans des camps de fortunes dans l’aire métropolitaine de Port au Prince. Ces réfugiés, en grande partie, se logeant dans les espaces scolaires pour fuir l’exaction des bandits.

En plus d’être des cibles pour les bandes armées, les institutions scolaires servent également d’abri pour les déplacés ayant abandonné leurs maisons. Pour l’heure, Le lycée Anténor Firmin, Lycée du Cent Cinquantenaire, Lycée Jean Jaques, Lycée Marie Jeanne, Lycée des Jeunes Filles et plus de (10) dix écoles nationales entre autres, sont occupés par ces personnes.

Au fil du temps, les espaces éducatifs deviennent le centre de théâtre de la crise humanitaire. Les manifestations politiques et les attaques perpétrées contre ces institutions hypothèquent le lendemain de beaucoup de jeunes. Actuellement, plus de 300 000 enfants sont privés d’éducation en Haïti. Nombreux sont les établissements scolaires saccagés et occupés par des gangs ou par des civils déplacés. Une situation qui déchire le tissu sociale de la nation.

Le 04 Avril 2024, le MENFP a publié un calendrier scolaire remanié, cela devient une habitude. Les examens officiels sont reprogrammés pour les mois Juillet et Aout 2024. Aucune mesure n’est annoncée pour reprendre le contrôle de ces espaces livrées aux hommes armés de la coalition « Viv ansanm ». Rien n’est décidé pour accompagner les déplacés et les aider à quitter les lieux. Pour un support financier aux écoles vandalisées aux fins de continuer leur noble mission, c’est le silence total. L’avenir de tout un pays sombre au vu et au su des dirigeants. Pourtant, il leur incombe de prendre toutes les dispositions afin que tous les enfants puissent jouir du droit à l’éducation.

Mackenlove Hyacinthe
Vant Bèf Info (VBI)

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