Des enfants portefaix pour prendre soin de leurs parents

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Deux adolescents âgés de 13 et 14 ans font le métier de portefaix à travers les rues de Port-au-Prince. Le cadet travaille pour sa mère qui l’a initié dans cette activité et tous les après-midi, elle le rencontre pour le contrôle. Le plus âgé a été invité par un groupe de trois (3) amis. Après avoir économisé entre 1500 et 2000 gourdes haïtienne, l’équivalent de 23 dollars américains, il l’envoie à son père en province pour faire de l’élevage.

Pedro et Richard sont des pseudos utilisés pour désigner ces deux adolescents.

À la rue Bonne Foi, au cœur du centre-ville de Port-au-Prince, sous un soleil de plomb, deux adolescents se tiennent chacun derrière une brouette. L’environnement est insalubre, des motos-taxis vont du va-et-vient et des hauts parleurs invisibles débitent des chansons populaires à tue-tête.

Vêtu d’une chemise blanche maculée de taches, un bermuda et des baskets souillés de boue, Pedro se tient derrière une brouette. Âgé de treize ans, il ne ménage pas ses forces pour offrir ses services aux personnes ayant des objets lourds à transporter contre de l’argent en retour. Selon ses témoignages, Pedro affirme que c’est sa mère qui l’a initié dans cette activité : « Elle se tient quelque part au marché sans rien faire en attendant que je revienne en fin de journée pour le partage du gain « a-t-il confié.

Benjamin d’une famille de trois (3) enfants, l’adolescent était à sa 2e année d’école fondamentale lorsqu’il a laissé Ducarbon, une localité de la commune de Kenskoff . Arrivé à Port-au-Prince où il travaille depuis comme portefaix, cet orphelin de père a connu des moments difficiles.
Parfois, fait-il l’objet d’injures de la part de certains « clients » mauvais joueur, et souvent il est mal ou pas payé du tout.

Portefaix le jour, enfant des rues la nuit

En effet il n’est logé nulle part. Le soir, il s’allonge dans sa brouette devant les locaux de la mairie de Port-au-Prince, à la belle étoile.

« J’éprouve souvent des moments de chagrin » dit-il , quand il voit des écoliers dans la rue surtout ceux de son âge. « Je sais que ma place n’est pas ici. Mais je suis en train d’économiser de l’argent, peu qu’il soit, pour qu’en septembre prochain, je reprenne le chemin de l’école » lache-t-il résigné.

Richard quand à lui est âgé de 14 ans, il vient de »Belle Fontaine », section communale de la Croix-des-Bouquet. Issu d’une famille de huit (8) enfants, il a été invité par un groupe de trois (3) amis pendant les vacances d’été à se rendre à Port-au-Prince à la recherche d’un « mieux-être ».
« Mes amis m’ont conseillé de continuer à travailler et l’année prochaine aussi », raconte-t-il.

Avec sa brouette comme seul outil, il gagne son pain comme il peut. Il se lève dès 3h du matin pour démarrer sa journée. Pour les contrats les plus lourds, il se met en tandem avec son collègue Pedro .

À chaque fois que Richard arrive à économiser plus ou moins 1500 gourdes, il l’apporte à son père à la campagne pour l’achat de bétail. Comme Pedro, Richard est souvent exploité par des clients à cause de leur apparence. Reconnaissant que ce travail ne correspond pas à sa taille, Richard compte abandonner pour reprendre le chemin de l’école d’ici la prochaine rentrée scolaire.

Richard couche lui aussi dans sa brouette, devant les locaux de la mairie de Port-au-Prince. Conscients de leur situation, ces adolescents dénoncent les conditions dans lesquelles ils évoluent. Ils souhaitent que l’État haïtien prenne ses responsabilités pour que tous les enfants puissent avoir accès à l’éducation.

Selon l’Enquête Mortalité, Morbidité et Utilisation et l’Utilisation des Services (EMMUS-IV), 87% des enfants âgés de 5 à 17 ans ont effectué un travail quelconque en Haïti.

Haïti a signé et ratifié plusieurs conventions relatives au travail des enfants. Par exemple, la Convention 138 (C138) sur l’âge minimum d’admission à l’emploi, la Convention 182 (C182) sur les pires formes de travail des enfants et la Convention 189 (C189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques. Les parlementaires internationaux attendent du comité national tripartite de lutte contre le travail des enfants, la liste des travaux dangereux pour les enfants en Haïti.

Pour rappel, le thème retenu pour la journée mondiale contre le travail des enfants le 12 juin est « La seule chose qu’un enfant devrait faire travailler est son imagination ».

François Jean