Haïti – Politique : Leslie Voltaire, de l’expertise à la déception, une transition manquée

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Architecte urbaniste de formation et vétéran de la vie publique haïtienne, Leslie Voltaire accède en octobre 2024 à la tête du Conseil présidentiel de transition (CPT), porteur de promesses de réformes et de stabilité. Quelques mois plus tard, son mandat s’achève dans la tourmente : polémiques financières, échecs institutionnels et gouvernance contestée. Retour sur une présidence de transition qui n’a pas tenu ses promesses.

Port-au-Prince, le 15 juin 2025
Un parcours riche et respecté
Né le 11 juillet 1949 à Port-au-Prince, Leslie Voltaire est diplômé en architecture de l’Université nationale autonome de Mexico et titulaire d’une maîtrise en planification urbaine de l’Université Cornell (États-Unis). Marié et père de trois enfants, il a passé plus de trois décennies dans l’administration publique. Professeur à l’Université d’État d’Haïti, il a également été ministre de l’Éducation nationale, puis des Haïtiens vivant à l’étranger.
Il est l’auteur de la “Loi Voltaire” et a représenté Haïti comme envoyé spécial à l’ONU durant la mission dirigée par Bill Clinton. En 2010, il se présente à l’élection présidentielle – sans succès –, mais s’impose comme une figure clé de la reconstruction post-séisme.
Une investiture sous tension
Le 7 octobre 2024, Leslie Voltaire est nommé président du CPT, en remplacement d’Edgard Leblanc. Mais la passation est marquée par une rupture : Leblanc boycotte la cérémonie d’investiture, dénonçant une modification unilatérale du décret relatif à la présidence tournante du Conseil. Ce geste symbolique révèle d’emblée des fractures internes profondes, qui vont miner l’action du CPT tout au long du mandat.
Des promesses ambitieuses, peu de résultats
Dans son discours inaugural, Voltaire présente un programme ambitieux : restauration de la sécurité, relance du Conseil électoral provisoire (CEP), et création de l’Office de Contrôle et d’Assainissement de la Gestion (OCAG), censé renforcer la lutte contre la corruption. Mais ces engagements, faute d’avancées concrètes, restent largement lettre morte, alimentant frustration et désillusion.
Symboles coûteux et contestés
Durant son mandat, Voltaire mise sur des gestes à forte portée symbolique. En janvier 2025, il accueille en grande pompe le président colombien à Jacmel. Officiellement destinée à renforcer la coopération bilatérale, la visite aurait coûté près de 500 millions de gourdes, sans retombées tangibles pour la population locale.
En mai 2025, il est reçu par le pape François au Vatican. Si la rencontre améliore temporairement l’image d’Haïti sur la scène internationale, son impact réel demeure faible, et les coûts du déplacement alimentent une nouvelle vague de critiques.
L’aéroport des Cayes, projet emblématique mais controversé
Autre réalisation mise en avant : l’aéroport international des Cayes, présenté comme un levier de développement régional. Mais son inauguration précipitée, la non-conformité aux normes de l’aviation internationale et des soupçons de surfacturation jettent le doute sur le sérieux du projet. Le directeur général de l’AAN, Yves Durcamel François, parle d’une “transformation rapide et efficace”, tandis que des experts dénoncent un chantier “bâclé” et techniquement discutable.
Un échec politique
Le bilan de Leslie Voltaire à la tête du CPT est largement perçu comme un échec. Entre gestion budgétaire opaque, promesses non tenues et leadership contesté, il laisse derrière lui un Conseil divisé et un pays toujours sans boussole. Son expérience, pourtant indéniable, n’a pas suffi à faire de lui l’homme du sursaut espéré.
Pour Haïti, l’espoir d’une transition réellement refondatrice demeure, une fois de plus, à construire.
Judelor Louis Charles
VANT BÈF INFO (VBI)