La peur a-t-elle changé de camp ?

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Par Wandy CHARLES
Depuis plusieurs mois, 80% du territoire de la capitale haïtienne est tombé dans les mains de chefs de gang, figures au sinistre renon, à l’image de Vitel’Homme Innocent, Izo « 5 secondes » ou Ti Lapli, dont les fiefs a Tabarre, Village-de-Dieu et Grand-Ravine étaient devenus de véritables zones interdites, des territoires complètement perdus. Mais depuis quelques semaines, les forces de l’ordre se réveillent et semblent avoir retrouvé une nouvelle vigueur opérationnelle. Du coup, une question logique émerge : la peur est-elle en train de changer de camp ?

À l’image d’une stratégie de reconquête, la PNH épaulée par des éléments de l’armée et appuyée par des moyens technologiques, notamment des drones explosifs, a lancé plusieurs opérations pédestres et aériennes dans des bastions des groupes criminels autrefois inviolables. A Village-de-Dieu, base de retranchement d’Izo, des frappes de drones kamikazes ont permis de désorganiser temporairement la structure du gang, selon des informations fournies par les forces de l’ordre. À Tabarre, Clercine et Pernier, des offensives similaires ont visé les repaires de la coalition criminelle « Viv Ansanm », causant la mort de plusieurs membres notoires.
Au moins 60 bandits ont été neutralisés depuis fin mars 2025, selon des chiffres relayés par la PNH. Par ailleurs, des dizaines d’arrestations ont été effectuées, certaines ayant permis la saisie d’armes lourdes et de véhicules blindés improvisés.
Le recours accru à la technologie dont des drones explosifs et surveillance aérienne témoigne d’un changement de direction voulu en matière sécuritaire en Haïti. Il ne s’agit plus seulement de répondre à la violence, mais de reprendre l’initiative sur le terrain, en frappant vite, fort, et de manière ciblée. Des sources gouvernementales anonymes ont confirmé que certaines de ces frappes sont menées en collaboration avec des partenaires étrangers, dont une société privée opérant des drones de combat.
Des bastions fissurés, mais pas encore tombés
Si les résultats sont tangibles (morts dans le camps des gangs, arrestations, fuite de certains chefs ou leurs lieutenants) la victoire reste partielle et fragile. Aucune communication officielle n’a confirmé la neutralisation de figures de premier plan comme. Mais les caïds, autrefois opulent et hyperactifs sur les réseaux sociaux, semblent se replier ou se dissimuler, en attendant de réorganiser leurs forces.
De plus, les territoires perdus qui ont été « libérés » ne le sont souvent que provisoirement. De plus, l’absence de projets institutionnels durables à savoir Justice, Services publics, Développement local, laisse la place à une possible reconquête par les gangs si l’élan sécuritaire s’essouffle.
La peur : champ de bataille psychologique
Le retour de l’État se joue aussi dans les têtes. Ces offensives récentes, bien que limitées, semblent marquer une inflexion psychologique : la peur, longtemps réservée aux civils et aux forces de l’ordre, commence à gagner le rang des criminels. Plusieurs rapports signalent des fuites massives de bandits, certains rejoignant des zones rurales ou franchissant la frontière dominicaine.
Mais la peur reste diffuse, présente chez les citoyens otages de cette guerre : les enlèvements continuent, la circulation sur certaines artères reste périlleuse, et l’angoisse persiste dans plusieurs quartiers populaires où les armes imposent encore leur loi. La peur n’a peut-être pas encore totalement changé de camp, mais elle est aujourd’hui partagée. Et ce simple renversement constitue déjà une avancée. Pour qu’elle bascule durablement chez les criminels, il faudra plus qu’une stratégie sécuritaire : il faudra une stratégie d’État.
La PNH, souvent abandonnée à elle-même, montre que, avec volonté, soutien logistique et coordination, elle peut frapper fort et juste. Le peuple haïtien, lui, n’attend qu’une chose : que cette dynamique ne soit pas un feu de paille, mais le début d’un rétablissement durable de l’ordre, de la paix et de la libre circulation des biens et des personnes.
Vant Bef Info (VBI)