Haïtiens pourchassés en République Dominicaine : et nous, que faisons-nous ?

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Par Wandy CHARLES
Ils sont traqués, humiliés, arrachés à leur sommeil ou à leur travail, parfois même à l’hôpital ou à l’école. En République dominicaine, être haïtien ou seulement en avoir l’apparence suffit aujourd’hui à vous condamner à l’expulsion, à la détention arbitraire, voire pire. Une chasse à l’homme est en cours. Elle est systématique, brutale, méthodique. Et pourtant, le silence est presque total…

Depuis plusieurs mois, les autorités dominicaines ont institutionnalisé l’inacceptable. Des dizaines de milliers de personnes sont expulsées chaque mois, dans des conditions inhumaines, en violation flagrante des conventions internationales sur les droits des migrants, du droit d’asile, et du principe sacré de non-refoulement. Des femmes enceintes sont arrêtées en pleine consultation médicale. Des enfants non accompagnés sont jetés hors du territoire, livrés à eux-mêmes à la frontière. Des familles entières sont déportées sans même pouvoir rassembler leurs effets personnels. Et dans cette mécanique, des morts sont à déplorer. Oui, certains Haïtiens ont été battus froidement. Et personne ne répond de ces crimes.
La terreur ne vient plus seulement des autorités migratoires : elle infuse dans les rues, les écoles, les hôpitaux, les quartiers populaires. Le simple fait de vivre sa négritude, son accent, ses traits, suffit à faire de vous une cible. Ce n’est plus seulement une politique d’immigration, c’est un harcèlement racial, une épuration pure et simple et par le rejet de surcroit.
Pendant ce temps, en Haïti, les dirigeants restent d’une timidité accablante. Pas de note forte des ministères concernés. Pas de discours ferme du Conseil présidentiel de transition. À peine quelques communiqués du GARR ou d’autres organisme de droits humains et de quelques ONG alertant sur les violations. Mais aucun cri. Aucun poing levé. Aucune réponse digne de la douleur infligée à notre peuple. Où sont les voix haïtiennes quand nos compatriotes sont traqués comme des animaux à quelques kilomètres de chez nous ?
Notre indignation est trop tiède, nos institutions trop absentes, nos élites trop silencieuses. À croire que les Haïtiens jetés comme des marchandises à la frontière ne valent même pas une page dans nos journaux, un mot dans nos sermons, une ligne dans nos discours. Hélas !
Pourtant, les textes sont clairs : la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, le Pacte mondial sur les migrations, les principes de base des Nations Unies sur les droits des migrants, tous stipulent l’interdiction des expulsions collectives, la nécessité d’un traitement individuel et le respect de la dignité humaine. Mais ces lois restent lettres mortes face à la logique de peur, d’exclusion et de haine qui se répand aujourd’hui comme un feu mal éteint.
Il est temps que la société haïtienne sorte de son mutisme. Il est temps que notre diplomatie prenne sa part dans la défense des droits fondamentaux. Il est temps que nos intellectuels, nos leaders d’opinion, nos médias fassent de cette cause une urgence nationale. Car à force de détourner le regard, nous finissons par consentir.
Un peuple qui accepte que ses enfants soient persécutés sans broncher abdique une part de sa dignité. La solidarité ne se proclame pas dans les discours : elle se prouve dans les luttes. Cette chasse à l’homme ne doit pas devenir notre honte silencieuse. Elle doit réveiller en nous la mémoire, la fierté et la révolte.
Vant Bef Info (VBI)