Haïti-Insécurité: Le Ranch de Croix-des-Bouquets fermé; des jeunes talents éparpillés dans la nature

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Les gangs armés qui étalent leur hégémonie sur une grande partie de l’arrondissement de Croix-des-Bouquets ont chassé des centaines de familles et des institutions. Dans la longue liste des victimes de l’insécurité on ajoute le Ranch de Croix-des-Bouquets. Ce centre de formation est un véritable grenier de talents haïtiens du football. Le Ranch ferme ses portes suite aux multiples menaces des groupes armés.

Croix-des-Bouquets, le 4 novembre 2021.- Suite aux multiples menaces des groupes armés qui terrorisent, kidnappent, violent, tuent, le Ranch de Croix-des-Bouquets ferme ses portes.

Les jeunes talents qui étaient en formation dans cet espace appelé encore « centre de FIFA Goal », sont retournés chez eux. C’est le cas de Lyne, aujourd’hui âgé de 15 ans, qui a déjà joué pour la sélection haïtienne féminine de football des moins de 15 ans.

Partie en vacances, la jeune fille qui s’apprêtait à retourner au Ranch pour poursuivre sa formation est retournée chez ses parents qui habitent dans une maison de fortune à Cité de l’Eternel, située à proximité de Village de Dieu, banlieue Sud de Port-au-Prince.

Là, elle passe des journées oisives car elle n’a pas repris encore ses activités scolaires en raison de la situation difficile que traverse son papa.

À la rencontre du père de Lyne Joseph

Dans une maison recouverte de tôles et en terre battue, Belson 39 ans, vit avec sa femme et ses cinq enfants. Ils se sont déplacés en raison du conflit armé qui règne dans la troisième circonscription de Port-au-Prince. C’est là que vit également la jeune footballeuse depuis qu’elle a quitté le Ranch de Croix-des-Bouquets.

« Lyne était mon unique espoir. Aujourd’hui, elle est là avec nous à la maison. Cette situation me met dans une position inconfortable », explique le père. « C’est grâce aux activités de la pêche que je gagne ma vie. Malade, je ne peux plus continuer depuis environ deux mois. Je n’arrive même pas encore à trouver un établissement scolaire pour ma fille pour qu’elle puisse passer l’année », a lâché le natif des Cayes.

La Fédération haïtienne de football fait le mort

« Depuis le renvoi des jeunes, je n’ai eu aucune nouvelle des responsables de la Fédération Haïtienne de Football qui dirige le Ranch de la Croix-des-Bouquets. Le seul avec qui j’avais l’habitude de parler n’est plus à la Fédération », ajoute Belson. « J’ai entendu par ouïe-dire qu’on se prépare à trouver un autre espace à Delmas 60 en attendant que la situation revienne à la normale, a expliqué le papa qui se félicite d’avoir une fille qui joue bien au football. Cependant, il regrette que le pays n’offre pas la possibilité à sa fille de mettre en oeuvre sa capacité comme Nérilia Mondésir.

La possiblité de la placer ailleurs

Avec une tristesse dans la voix, Belson ajoute que sa femme ne travaille pas. Il se trouve dans une situation où il ne peut rien faire lui-même en raison de son état de santé.  » Je n’ai pas le courage de regarder ce talent passer sa journée à vagabonder dans ce lieu. Là, n’importe quoi peut arriver », a lâché Belson.

Il précise qu’un ami habitant la capitale lui a déjà proposé de prendre sa fille parce que la femme de l’ami en question a besoin d’une fille pour passer la journée avec ses fils.

 » S’il est vrai que cette option a été écartée, je suis en train de réfléchir à l’idée de l’envoyer vivre avec mon ami pour éviter qu’elle ne tombe pas enceinte de manière précoce », a poursuivi le père de Lyne.

D’autres jeunes se retrouvent dans la même situation

Ils sont nombreux d’autres jeunes talents qui étaient au Ranch de Croix-des-Bouquets à se retrouver dans la même situation que Lyne. Pour preuve, le papa de la jeune joueuse explique qu’une de ses camarades était venue passer quelques jours avec sa fille. Il explique que celle-ci qui jouait dans la même catégorie que sa fille et qui elle avait vu jouer a du talent.  » Je souhaite que les bandits comprennent dans quelle situation sont plongés des parents », se plaint-il.

À ce stade où l’insécurité atteint son paroxysme, le sport fait partie des secteurs les plus touchés. Ces jeunes qui pourraient comme Nérilia Mondésir, Melchie Dumornay, entre autres, rêvent un jour de briller dans un grand championnat d’Europe, voient leur rêve sur le point d’être brisé si rien n’est fait.

Vant Bèf Info (VBI)

P.S. Les noms utilisés dans le cadre de ce travail sont des noms d’emprunts en vue de protéger l’identité du papa et de sa fille