Transition : Fritz Alphonse Jean, le verbe sans l’acte

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Trois mois après sa nomination comme coordonnateur du Conseil présidentiel de transition (CPT), Fritz Alphonse Jean peine à transformer ses discours en actions concrètes. L’ancien gouverneur de la Banque centrale, réputé pour ses prises de position tranchées et sa critique de la gouvernance précédente, donne désormais l’image d’un dirigeant en décalage avec ses promesses.

Port-au-Prince, 9 juin 2025 — À son arrivée à la tête du CPT, le 7 mars dernier, Fritz Jean avait suscité l’espoir d’un renouveau. Il disposait de leviers importants : rémunération, allocations diverses, influence sur les ministères clés, notamment ceux de l’Intérieur et de la Sécurité publique. Pourtant, sur le terrain, son action reste largement invisible.
Lors de son allocution à l’occasion de la fête du Drapeau, le 18 mai, il a déclaré que la population « connaît les responsables de l’entrée massive d’armes dans le pays ». Une affirmation qui soulève des questions : que fait-il, en tant qu’acteur décisionnel, pour traduire ces propos en mesures concrètes ? Sa visite à la Police nationale, le 6 juin, n’a débouché sur aucune annonce forte ni action publique contre ces présumés responsables.
Sur le plan sécuritaire, le constat est tout aussi préoccupant : les gangs étendent leur emprise, les déplacés internes se multiplient, et aucune stratégie nationale n’a été présentée. À ce jour, seuls deux conseils des ministres ont été tenus. Selon plusieurs sources, Fritz Jean insisterait pour fixer lui-même l’ordre du jour, une posture jugée autoritaire, en contradiction avec les principes de collégialité qu’il défendait avant son accession au pouvoir.
Le contraste est saisissant. L’opposant d’hier, qui dénonçait les dépenses somptuaires du gouvernement précédent, semble désormais les reproduire. Il avait fustigé les 90 millions de gourdes alloués à la fête du Drapeau sous Ariel Henry ; sous sa présidence, plus de 300 millions ont été déboursés pour les mêmes festivités.
Porteur de l’Accord du 3 avril 2024, censé renforcer la feuille de route de la transition, Fritz Jean n’a pas encore donné suite aux engagements pris. Les axes de gouvernance, de sécurité et de développement restent à l’état de promesses.
Pendant ce temps, le pays s’enlise. Crise humanitaire, effondrement des infrastructures, hôpitaux saturés, économie informelle en plein essor, corruption persistante, exode massif des jeunes : autant de signaux d’alarme qui appellent des réponses immédiates. Or, aucun cap n’est clairement défini, aucun message fort n’est lancé.
Fritz Alphonse Jean, qui avait conquis l’opinion par la justesse de ses diagnostics, peine aujourd’hui à incarner l’action au sommet de l’État. Le décalage entre le verbe et l’exercice du pouvoir s’accentue, laissant une population désillusionnée et des partenaires internationaux dubitatifs.
Belly-Dave Bélizaire
Vant Bèf Info (VBI)