Sur l’opportunité et la légitimité d’un recours à la Cour de cassation
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Ce débat n’a pas quitté l’actualité. Détrompez-vous.
Je ne viens pas non plus m’éterniser. Mais faire un aveu et, à l’occasion, rappeler le caractère essentiellement discursif du Droit.
L’argument de Samuel Madistin
Le juriste médiatisé et politique, Me Samuel Madistin, a fait un tour de presse pour soutenir la nécessité d’un recours à la Cour de cassation pour trouver un président et ramener le pays à la normalité constitutionnelle.
Bien entendu, la critique rejetait a priori cette éventualité. Et pour cause. La nouvelle Constitution, qui de fait est en vigueur, ne recommande plus ce procédé.
C’est d’ailleurs le nerf de l’argumentation de Samuel Madistin, qui rappelle avec art que le Droit n’est pas réductible aux seuls textes écrits. Que plutôt les pratiques et les coutumes faisaient en réalité partie du corpus juridique. À ce stade, et vu l’éloquence qu’on lui connait, je ne pouvais que le féliciter. Au point de lui accorder créance. Mais c’est seulement faute d’avoir écouter le bâtonnier de Port-au-Prince, Patrick Pierre-Louis.
La barrière du bâtonnier Pierre-Louis
Avant toute chose, pour l’intégrité de la communication, il faut préciser que le bâtonnier, selon ce que nous savons, n’a aucune communication actuelle où il se ferait l’interlocuteur de Samuel Madistin. Sitôt cela précisé, affirmons néanmoins que, selon le professeur de Droit constitutionnel, Patrick Pierre-Louis, le raisonnement de Me Madistin comporte un défaut congénital. Que donc le recours à la Cour de cassation ne peut se recommander dans l’état actuel de la législation haïtienne. Contrairement à cette histoire de coutume madistinienne. Puisque, selon le bâtonnier Pierre-Louis, Haïti connaît un « monisme juridique » qui, justement, exclut le recours à la coutume. En précisant que les seules exceptions admises sont nommément et limitativement fixées par le législateur. Ce qu’il appelle la « réception du droit français » en Haïti conserve la même philosophie et le même projet qu’en France (à l’origine pour le moins): créer l’unité en excluant des motifs juridiques possibles les coutumes.
L’opportunité d’un débat
Pour toutes sortes de raisons, le barreau de Port-au-Prince se montrerait généreuse à nous offrir le spectacle d’un débat, où l’on pourrait même l’étendre à d’autres juristes blanchis sur le harnais. Déjà que le bâtonnier avait tenu ses propos dans un autre contexte, où il montrait la difficulté à accoucher de la justice compte tenu du dualisme factuel devant le monisme principiel. Mais aussi parce que le bâtonnier, dans les grands moments, a pour habitude de livrer sa réflexion. Sans compter que, aujourd’hui, c’est l’existence même du Droit qui est remise en cause en Haïti. Un débat qui pourrait tout mettre à plat.
Me Jean Junior F. Tibère, av.
Professeur d’éthique
Université publique de la Grand’Anse