Petite-Rivière de l’Artibonite : le massacre de trop ?
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Par Wandy CHARLES
Le sang coule encore, les larmes salées des innocents se déversent, et le sol d’Haïti s’imbibe une fois de plus d’un désespoir qui semble sans fin. Petite-Rivière de l’Artibonite, hier encore théâtre d’un élan de ferveur populaire saluant la bravoure passagère de la Police nationale, s’est métamorphosée en un abattoir à ciel ouvert. Une dizaine de personnes, des âmes innocentes dont des enfants, ont été fauchées par une barbarie sans nom.
Les bourreaux, ces ombres voraces, ont frappé avec une sauvagerie qu’aucune langue humaine ne saurait pleinement décrire. Une vidéo funeste, circulant sur les réseaux, dévoile l’ignominie : des corps alignés dans une macabre symphonie de l’horreur, témoins muets de la faillite d’un Etat, d’une nation. Les enfants, arrachés prématurément à la douceur de l’innocence, rejoignent cette liste interminable de martyrs anonymes broyés par la cruauté d’un petit groupe.
Ce carnage, perpétré par les sbires du gang Gran Grif en représailles à une justice populaire éphémère, expose crûment l’impuissance structurelle de l’État. Où est-il, cet État ? Reclus dans des demeures ou des locaux transformés en forteresses, figé dans une rhétorique récurrente : « Nous condamnons fermement… » finalement un aveu d’impuissance répété jusqu’à l’absurde. Le refrain d’un État moribond, spectateur tragique de la débâcle nationale.
Les familles pleurent, mais leurs sanglots restent étouffés par le vacarme assourdissant de l’indifférence ou disons mieux du manque de fermeté, d’autorité et de stratégie efficace payante. Combien de fois faudra-t-il enterrer nos morts ? Combien d’enfants mutilés, combien de parents anéantis pour que les autorités concernées daignent agir avec la rigueur et la proportionnalité que cela demande? Chaque goutte de sang versée est un « kout ponya » dans le cœur de ce qui reste de notre dignité collective.
Haïti est-il un pays en perdition ? En tout cas, nous sommes livrés à des individus, pour qui la vie humaine n’a aucune valeur, mais ce qui est encore plus effrayant, c’est l’indifférence totale des élites. Il ne s’agit plus seulement de dénoncer : il faut agir, et agir avec la force et la détermination que cette crise exige.
Le temps des atermoiements et des discours verbeux est révolu. Il faut une volonté d’airain, un sursaut national qui transcende la peur et la passivité. Ceux qui ont prêté serment pour protéger et servir ce pays doivent enfin honorer leur parole, ceux aussi qui sont payés avec l’argent des contribuables doivent sortir de l’inaction et faire quelque chose pour cette population meurtrie. Sinon, que leur restera-t-il à diriger sinon un champ de ruines ?
À Petite-Rivière, comme à Wharf Jérémie et ailleurs, ce ne sont pas seulement des vies qui s’éteignent, mais l’espoir même d’un avenir. Haïti, combien de massacres avant que tu te relèves ? Combien de pleurs avant que tes dirigeants cessent d’être des ombres ? Que ce nouvel épisode de barbarie serve au moins à rappeler que le silence, l’inaction ou l’amateurisme ont un prix et ils ne peuvent plus être acceptés.
Vant Bèf Info (VBI)