Les drones kamikazes : une arme décisive mais insuffisante ?

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Par Wandy CHARLES
Depuis plusieurs mois, Haïti s’enfonce dans une spirale de violence incontrôlée. Les gangs armés imposent leur loi, terrorisant une population à bout de souffle, tandis que les autorités étatiques peinent à reprendre le contrôle des zones stratégiques. Face à cette insécurité chronique, une nouvelle arme a été introduite dans l’arsenal des forces de l’ordre : les drones kamikazes. Présentés comme une solution innovante, ils suscitent autant d’espoir que d’interrogations. Sont-ils réellement le remède tant attendu contre ces criminels qui martyrisent la nation ou un simple palliatif sans impact durable ?
À ce jour, une quinzaine de frappes de drones ont ciblé les fiefs des chefs de gangs notoires tels que Barbecue, Izo et Ti Lapli. Si ces attaques ont causé plusieurs pertes dans les rangs des criminels, aucun caïd majeur n’a été neutralisé. Cependant, l’impact psychologique est réel : ces gangs, jadis omnipotents, doivent désormais surveiller le ciel en permanence, une contrainte qui limite leurs déplacements et affecte leur organisation.

Malgré cette avancée, l’efficacité de ces frappes demeure limitée. Les gangs, bien que déstabilisés, parviennent à se réorganiser rapidement. Cette réalité s’explique par une absence criante de coordination au niveau des responsables de sécurité du pays. Sans troupes au sol, snipers ou interventions blindées, les frappes de drones, aussi précises soient-elles, restent des actions isolées incapables de porter un coup fatal au grand banditisme.
La question des moyens ne se pose plus. Drones, blindés, hélicoptères, armes et munitions sont désormais disponibles en quantité non négligeable. Ce qui fait défaut, c’est une stratégie d’intervention cohérente. Les querelles internes entre différentes branches des forces de sécurité paralysent les opérations et empêchent une action rapide et décisive.
Pour traduire cette puissance de feu en résultats tangibles, les autorités doivent dépasser leurs divergences et adopter une approche méthodique et concertée. Une offensive bien orchestrée, combinant frappes aériennes et interventions terrestres, est indispensable pour mettre les malfrats hors d’état de nuire.
Le porte-parole adjoint de la PNH, Lionel Lazarre, a récemment annoncé la création d’un bureau dédié à la gestion des drones, une initiative qui pourrait garantir un usage contrôlé et stratégique. Mais cette avancée ne servira à rien si les responsables de la sécurité restent englués dans leurs divisions et leurs luttes de pouvoir. Les drones kamikazes ne peuvent être pleinement efficaces tant que l’action sécuritaire reste fragmentée. L’heure n’est plus aux querelles internes ni aux démonstrations de force isolées.
En dépit des défis, l’utilisation des drones explosifs offre une lueur d’espoir. Dans un contexte où les solutions efficaces se font rares, ces appareils représentent une opportunité pour reprendre le contrôle du territoire. Toutefois, si leur potentiel est exploité a bon escient, sur le long terme la lutte contre l’insécurité doit passer par une stratégie globale incluant un renforcement des forces de police, une réforme judiciaire efficace et la reconstruction des institutions étatiques.
Vant Bef Info (VBI)