Le Cap-Haïtien suffoque sous le poids des détritus et des eaux stagnantes
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Confrontée à une insalubrité chronique et à une détérioration des infrastructures, la deuxième ville d’Haïti traverse une crise environnementale majeure. Avec des canaux bouchés, l’absence de plan de drainage et des inondations fréquentes, le quotidien des habitants est devenu intolérable. Entre la détresse des résidents, le manque de coordination entre les institutions et les appels à l’assistance des autorités locales, l’avenir de cette ville historique et touristique reste incertain.
Cap-Haïtien, le 18 janvier 2025. Le Cap-Haïtien, la deuxième plus grande ville d’Haïti, est aujourd’hui dans un état d’insalubrité alarmant. Les rues, quartiers et artères principales sont submergés de déchets et de boue, illustrant une dégradation environnementale croissante.
Malgré quelques interventions réalisées par les Forces armées d’Haïti (FAd’H) pour nettoyer certaines zones, la ville demeure piégée dans un inquiétant marasme environnemental.
Depuis 2016, tous les systèmes de drainage de la ville sont obstrués, empêchant l’écoulement approprié des eaux, notamment en saison des pluies, faisant de la ville un véritable bourbier. Privés de solutions adéquates pour la gestion des déchets, les habitants souffrent de l’absence de structures adaptées.
Les sections communales de Petite-Anse et Haut du Cap sont particulièrement affectées, car elles manquent d’un plan de drainage efficace.
À chaque averse, les eaux stagnantes inondent les maisons proches du bassin versant de « Haut d’eau » et dans les quartiers tels que Zo Vincent, Vertières et Blue Hills.
Par ailleurs, la proximité de Petite-Anse avec la mer, accroît les risques de catastrophes en cas de séisme ou d’élévation du niveau de la mer, menaçant les habitations construites sur le rivage.
Le Groupe de Réflexion et d’Action pour le Patrimoine Haïtien (GRAPH), un collectif de la société civile, a récemment initié un projet de nettoyage des rues au Cap-Haïtien.
Comme l’explique le président de GRAPH, Thony Désauguste, cette initiative se concentre sur la rue A du Cap-Haïtien. Il a affirmé, « L’effort de nettoyage est lancé, et c’est à la population capoise de s’investir dans cette responsabilité pour assainir la ville. Nous sollicitons l’aide et la participation de chacun. »
Me Bell Angelot, membre du GRAPH, a mis en lumière la signification de ce projet : « C’est en fait le patrimoine de la ville qui est en jeu. Nous avons initié cette démarche comme une action volontariste, dans notre démarche de sauvegarde de notre patrimoine commun. »
Bien que ce soit GRAPH qui ait pris l’initiative, il est important de mentionner que le groupe doit faire face à des ressources limitées.
Chris Handal, PDG de MSC du Grand Nord, dont le siège se trouve sur la route de l’aéroport, à “Carrefour la mort”, a exprimé son point de vue sur la gravité de la situation qu’il observe au Cap-Haïtien depuis dix ans.
Il déplore la détérioration de cette ville, pourtant dotée d’un fort potentiel touristique et culturel : « Il est regrettable de voir une ville aussi cruciale que le Cap tomber en ruine, ce qui engendre un défaut d’opportunités sur les plans national et international. »
Il exhorte tous les acteurs à se rassembler et à unir leurs forces pour transformer la situation actuelle. Certains entrepreneurs locaux ont tenté de résoudre quelques problèmes en réalisant des travaux sur la route nationale numéro 6. Cependant, ces initiatives individuelles sont insuffisantes pour surmonter la crise.
Patrick Almonor, maire adjoint du Cap-Haïtien, a mis en lumière l’inadéquation entre les ressources municipales et l’envergure des besoins de propreté de la ville :
« Le budget municipal n’inclut pas de comptes destinés à la collecte des ordures. Cette tâche est dévolue au SNGRS, qui se trouve malheureusement absent dans les rues. »
Il a également souligné le rôle indispensable de la Direction départementale Nord du Ministère des Travaux publics, Transport et Communication (MTPTC) dans l’entretien des canaux, tout en notant le manque d’engagement financier de l’État central envers les infrastructures municipales :
« Les recettes issues de Labadie, de l’aéroport, de la douane, et du port ne sont pas injectées à la hauteur des besoins locaux. »
Pasteur Donald Métellus, habitant de Haut du Cap et dirigeant de média, appelle à une mobilisation générale des institutions étatiques pour résoudre cette crise :
« L’État central doit agir de toute urgence pour assister la municipalité et soulager les citoyens. Il est crucial de restaurer le Cap-Haïtien à son statut de capitale historique et touristique qu’elle mérite. »
Outre ses problèmes environnementaux, le Cap-Haïtien est devenu un refuge pour les personnes fuyant l’insécurité à Port-au-Prince et à l’Artibonite. Cette pression démographique augmente les défis déjà considérables auxquels la ville est confrontée.
La situation requiert une réaction concertée entre l’État central, les ministères concernés, les autorités locales, et la société civile.
Le potentiel historique, culturel, et touristique du Cap-Haïtien ne se dévoilera qu’à travers une gestion environnementale sérieuse et des investissements durables.
Actuellement, les citoyens sont dans l’attente désespérée de solutions. Les regards se tournent vers l’État central, qui doit répondre à l’urgence avant que la ville ne se perde irrévocablement dans ses propres ruines.
Dodeley Orelus
Vant Bèf Info (VBI)