Haïti : Lutte contre le VIH/Sida, des acteurs s’alignent vers un but commun
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Des acteurs publics et privés s’activent depuis des années dans la lutte contre le VIH/Sida en Haïti. Ils se donnent comme objectif commun d’atteindre les trois 95 de l’ONU Sida à l’horizon 2030. Soit 95 % de la population vivant avec le VIH/Sida soit informée de leur statut, 95% soient mis sous des médicaments antirétroviraux (ARV) et 95 % des personnes recevant un traitement antirétroviral ont une charge virale indétectable. Et pour atteindre un tel but, ils s’investissent dans le dépistage, la formation et la prise en charge. Plein feu sur l’expérience d’une personne vivant avec le VIH (PVVIH) et les actions posées par les acteurs.
Née avec le virus, Junette a désormais une charge virale indétectable
Junette, 22 ans est née avec le virus dans son sang. Sa mère l’a transmis sans le savoir. Dépistée à temps puis placée sous médicaments, la jeune fille revient sur cette expérience qu’elle qualifie de douloureuse.
» Je suis issue d’une modeste famille dans le Sud-est d’Haïti. Très tôt, on m’avait informé que le virus était en moi et que j’étais née ainsi. Ce n’est que vers l’âge de 12 ans que je me suis rendu compte de ma situation réelle », a t-elle expliqué. « Victime de toutes les formes de stigmatisation et de découragement, j’étais arrivée à un certain moment où la vie ne valait plus la peine d’être vécue. Les gens, informés de mon statut me traitaient de « Ti Sidayis » (Porteuse de Sida).C’était un calvaire, se lamente-t-elle. C’est grâce à la Miss Mentor Marie Lucie qui m’a encadré et m’a aidé à accepter la maladie et à me fixer des objectifs. Elle travaille aussi avec de nombreuses autres jeunes filles et de nombreux jeunes garçon vivant avec le virus à travers une structure dénommée « Kombit Lavi Miyò » (KALMI), se souvient-elle.
Aujourd’hui, malgré les difficultés, elle a bouclé ses études secondaires et est entrée à l’université cette année pour des études en sciences administratives. » Les gens me disaient que ma vie sera courte et que je ne dois pas apprendre une profession comme les sciences infirmières ou les sciences administratives. Ils m’ont encouragé à faire la couture. Aujourd’hui c’est tout le contraire, je suis en première année science administrative » a t-elle ajouté avec joie dans la voix. Expliquant avoir pris ses médicaments comme le veut les médecins, elle a désormais une charge virale indétectable.
Situation épidémiologique du VIH-Sida en Haïti
En Haïti, 160 mille personnes vivent avec le virus. Selon le dernier rapport du Ministère de la Santé Publique et de la Population (EMMUS VI), la prévalence du VIH-Sida en Haïti est de 2%. La prévalence est plus élevée chez les femmes que chez les hommes, selon les explications du MSPP. 2,6% des personnes infectées sont des femmes alors que pour les hommes seulement 1,6%. Chez les jeunes de 15 à 24 ans, la prévalence est plus élevée chez les jeunes filles soit 1,1% contre 0,9% chez les garçons. Dans le monde plus de 37.9 millions de personnes ont contracté la maladie selon un rapport de l’ONUSida, paru en 2018.
Les actes posés par le Ministère de la Santé Publique et de la Population
Le Ministère de la Santé Publique et de la Population à travers son plan stratégique 2018-2023 s’était donné comme objectif d’éliminer la maladie à 80%. Il s’inscrit depuis quelque temps dans la dynamique de L’ONUSida à travers les trois 95. Ce dernier entend couper la chaîne de transmission du VIH-Sida à l’Horizon 2030. Et Pour ce faire, le MSPP via la direction des maladies infectieuses dans le cadre de son programme de lutte contre le VIH-Sida, travaille avec de nombreux partenaires techniques et financiers. Environ 165 institutions au niveau national travaillent dans la prise en charge, des campagnes de sensibilisation et de formation sont en cours, selon le Dr Kesner François, de la coordination technique du Programme National de Lutte Contre le Sida (PNLS).
« Environ 20 mille personnes diagnostiquées du VIH-Sida chaque année, 96% sont placées sous TAR. 69 % des patients actifs sous Traitement antirétroviral (TAR) ont une suppression virale », selon les données fournies par le Programme National de Lutte Contre le Sida.
Au menu des différentes activités, la formation joue un rôle très important, c’est pourquoi le Ministère de la Santé Publique et de la Population avait organisé des séances de formation pour des journalistes et d’autres acteurs qui peuvent jouer un rôle dans l’élimination de la maladie, a poursuivi le Dr François .
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Des partenaires techniques et financiers s’engagent
Le Ministère de la Santé Publique et de la Population à lui seul, ne pourra pas atteindre les objectifs fixés à l’horizon de 2030, a fait remarquer cette source proche du MSPP. Et pour atteindre ce but commun, le ministère a des partenaires techniques et financiers. Ces derniers travaillent en étroitement collaboration pour atteindre le but, poursuit ce source. Au nombre des partenaires, il y a le Panos qui travaille actuellement dans le cadre des deux derniers 95, a expliqué le Dr Emmanuel Bellimaire, consultant dans le cadre de la campagne E=E (Endetektab – Entransmisib, un slogan en créole), qui signifie indétectable égal intransmissible. « Nous sommes là pour faire l’éducation thérapeutique des personnes infectées et leur montrer l’importance de l’ARV pour leur vie et deuxièmement leur expliquer si elles prennent bien leurs médicaments, elles peuvent avoir une charge virale indétectable. Nous sommes impliqués dans la sensibilisation médiatique et dans la formation », a expliqué le Dr. Bellimaire. Mis à part le Panos, des réseaux comme Zanmi Lasante, Gheskio, La fondation Serovie, Charress, s’engagent à fond dans cette lutte avec des cibles différentes mais un objectif commun, les trois 95, a ajouté le Dr. Kesner François.
Pour inverser la tendance, le Programme National de Lutte contre le Sida du MSPP travaille avec un ensemble de partenaires financiers également. Parmi eux: l’ONUSida, Le Fond Mondial, le Fond des Nations Unies Pour l’enfance (UNICEF), le CDC, HOMASS-PSI et Pepfar, entre autres. Pour atteindre le plan stratégique 2018 -2023, plus d’un milliard de dollars ont été prévus selon le budget du Plan Stratégique National Multisectoriel de Riposte au VIH/Sida, 2018-2023, (PSNM).
Comme Junette, désormais indétectable et intransmissible, ces acteurs s’activent pour couper la chaîne de transmission de la maladie dans le pays. Pourront-ils atteindre un tel but à l’horizon 2030?
Mauryle Azaine
Vant Bèf Info (VBI)
*Junette est un nom d’emprunt utilisé pour protéger l’identité de la jeune fille interviewée dans le cadre de ce travail.