Meurtri, Port-au-Prince se vide peu à peu de ses habitants
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Port-au-Prince, le cœur battant de l’activité économique et sociale d’Haïti est frappé par une vague d’insécurité et de violence inouïe depuis un certain temps. Assassinats, kidnappings, viols, extorsions, vols, destruction de biens et pillages, le lot quotidien des habitants de la capitale assombri par ces activités ignobles des criminels. Conséquences : des infrastructures cruciales détruites, des institutions importants et des services de base à l’arrêt… obligeant un grand nombre de citoyens à se déplacer.
Port-au-Prince, jeudi 18 avril 2024.- La capitale haïtienne n’est plus ce qu’elle était dans le temps, mais la commune est devenue un enfer à fuir. A Port-au-Prince, l’administration publique et les écoles sont quasiment bloquées du fait des violences armées. L’aéroport international Toussaint Louverture et les ports ne fonctionnent plus. Les centres de santé sont également touchés par cette vague de d’insécurité.
Une population de nomades forcés
Si certaines personnes disposant de moyens se réfugient dans d’autres pays, d’autres, moins fortunés, vont à la campagne ; et une dernière catégorie restent en se remettant au divin. Ceux qui se réfugient dans les abris vivent dans la promiscuité et dans des conditions infrahumaines faisant face à des difficultés de toutes sortes.
362 500 déplacés ont été recensés jusqu’au 9 avril 2024, parmi lesquelles 94 821 ont quitté la capitale pour trouver refuge dans les provinces, en moins d’un mois. 89 000 de ces citoyens vivent dans 87 camps de réfugiés de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. 86 % des personnes quittant la capitale étaient déjà des déplacés internes. Un mois après, le taux est revu à la baisse passant de 60 % alors que près de 40 % de ces fugitifs sont des personnes qui n’avaient jamais fui leur résidence et qui décident juste de plier bagages se réfugiant en provinces, selon les données du bureau de coordination d’aides humanitaires de l’ONU.
Le goût amer du désespoir
Le sang n’en finit pas de couler dans les rues de Port-au-Prince. La capitale est méconnaissable. Elle est devenue une véritable jungle où la peur et le sauve qui peut règnent en maître. Les habitants fuient l’horreur s’sévissant dans la ville.
« Vivre en Haïti, c’est marcher sur des charbons ardents. Je suis obligé de fuir ma ville natale. Car je ne peux plus vivre dans cette situation. Entendre des tirs à longueur de journée, vivre au milieu des cadavres ou voir s’effondrer tout ce que tu as mis du temps à construire, c’est écœurant ! », lâche Carlos, jeune étudiant en 3e année de Droit. Lui aussi a été contraint de fuir la violence armée pour se réfugier à Camp-Perrin, le mois dernier.
« Aller en province c’est un grand risque, car toutes les routes nationales sont truffées de bandits qui surveillent les postes de péages. Mais dans ta tête, tu dis que tu vas passer qu’une seule fois et que c’est mieux au lieu de rester au milieu du danger », poursuit-il.
« Les gangs entrent dans une logique de conquête de territoire, donc tout le long du voyage que ce soit au Nord ou au Sud, tu rencontres des civils armés. Quitter la capitale se révèle extrêmement périlleux », révèle une mère de famille qui vient de quitter le Centre-ville pour s’installer au Cap-Haïtien.
James est ingénieur, après avoir arpenté tous les quartiers de Port-au-Prince, il décide de laisser de tout laisser pour aller vivre au Canada, contre son gré. Mais c’était la dernière carte à jouer pour lui.
« En dépit de multipless opportunités de laisser le pays, j’ai choisi de rester. Mais finalement, après les récents événements et surtout en songeant à mes filles et ma femme, je me suis dit que je dois faire le bon choix, pas pour moi mais pour ma famille», avoue-t-il.
« Au quotidien, tu vois des gens tués, des corps sans vie allongé par terre, des cadavres brûlés. J’entends régulièrement de fortes détonations. La violence est autant physique que psychologique », nous raconte le jeune professionnel.
C’est le portrait d’une vie rythmée par le chaos, où les habitants de la capitale sont constamment confrontés à la menace des gangs armés ou encore aux affrontements entre ces groupes armés et/ou la Police.
Une conjugaison redoutable de crises liées à l’instabilité politique, aux troubles civils, à la violence, à l’extrême pauvreté. Tout ceci met en péril le bien-être de tous ceux qui souhaitent vivre dans la capitale. Port-au-Prince n’est plus ce qu’il a été dans le temps. La paix, la sécurité et la tranquillité n’est, semble-t-il, pas pour demain.
Mederson Alcindor
Vant Bèf Info (VBI)