Vivre et survivre dans les camps oubliés

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Les violences armées chassent chaque semaine de nouvelles familles de leurs foyers. Les sites de déplacés se multiplient dans la région de Port-au-Prince, et dans certaines villes de province. Entre misère, insalubrité, violence sexuelle et silence des autorités, des milliers d’Haïtiens se battent chaque jour pour survivre.

Bourdon, le 30 avril 2025 — Sous des tentes déchirées et des bâches bleues, des enfants jouent dans la poussière tandis que des mères attendent leur tour pour quelques seaux d’eau. Bienvenue dans l’un des camps de déplacés gérés par l’Office de Protection du Citoyen. Ici, près de 6 600 personnes vivent dans des conditions précaires après avoir fui des quartiers tels que Nazon et Christ-Roi, où la violence armée est devenue quotidienne.
D’un site à l’autre, les récits sont similaires : maisons incendiées, proches tués, enfants traumatisés. Ces Haïtiens ne sont pas des réfugiés à l’étranger, mais des déplacés internes dans leur propre pays. Ils ont tout perdu, sauf leur volonté de survivre.
« On dort sur des cartons. Quand il pleut, tout est mouillé. Les enfants risquent de tomber malades », explique Micheline Devallus, mère d’une fillette de 6 ans, originaire de Nazon.
En dépit de l’absence d’intervention étatique, une organisation informelle prend forme dans ces camps. Des comités spontanés régulent la distribution de l’eau, des vivres et des dons ponctuels. Des femmes s’organisent pour protéger les plus vulnérables, notamment face aux violences sexuelles. De petits réseaux d’entraide permettent aux habitants de se soigner et de nourrir leurs enfants.
Mais la précarité est extrême. Selon plusieurs ONG sur le terrain, moins de 20 % des sites de déplacés bénéficient d’un soutien régulier en nourriture ou en soins de santé. Les autorités n’ont pour l’instant ni plan de relocalisation, ni programme d’accompagnement. Dans certains camps, la peur reste omniprésente. À tout moment, ces familles peuvent être forcées de fuir à nouveau.
Ces camps, censés être temporaires, deviennent des lieux d’installation prolongée, illustrant l’impasse politique et l’effondrement des capacités de réponse de l’État. Ils sont aussi le reflet d’une société qui tente de se réorganiser dans la douleur et la débrouille, sans institutions et dans l’indifférence générale.
Belly-Dave Bélizaire
Vant Bèf Info (VBI)