Viv Ansanm frappé du sceau du terrorisme par Tonton Sam, et après ?

Getting your Trinity Audio player ready...
|
Par Wandy CHARLES
Le vendredi 2 mai 2025 marque un tournant considéré par plus d’un come majeur dans la lecture internationale de la crise haïtienne. Par la voix de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC), les États-Unis ont officiellement désigné Viv Ansanm et Gran Grif, deux des plus puissantes coalitions de gangs opérant en Haïti, comme organisations terroristes transnationales. Au-delà de la portée juridique et des implications diplomatiques de cette décision, elle soulève une question essentielle : que signifie, concrètement, ce sceau d’infamie pour Haïti, pour les criminels qui la saignent, et pour les peuples pris entre deux feux ?

Un geste fort ? En tout cas, hautement symbolique
En inscrivant Viv Ansanm et Gran Grif sur la liste noire du terrorisme mondial, Washington ne se contente pas d’une manœuvre administrative. Il redessine les contours de la menace qui pèse sur Haïti. Ce n’est plus seulement une affaire de criminalité locale ou de lutte contre le grand banditisme, mais une guerre contre une entité transnationale, comparable dans son fonctionnement à des groupes tels que Boko Haram ou les FARC en Colombie. Le symbole est lourd : la violence haïtienne n’est plus perçue comme une anomalie interne, mais comme une pathologie géopolitique globale, dont les ramifications pourraient atteindre les intérêts américains et régionaux.
D’un point de vue strictement juridique, cette désignation ouvre la voie à une panoplie de sanctions : gel des avoirs aux États-Unis, restriction de mouvements, interdiction de soutien matériel, et surtout possibilité de poursuites pénales internationales pour toute entité ou individu apportant une aide, directe ou indirecte, à ces groupes. Cela représente une avancée notable, notamment pour freiner les flux d’armes, de fonds et de complicité qui franchissent allègrement les frontières haïtiennes, souvent avec l’ombre bienveillante de certaines élites locales et des agents étatiques.
Retombées réelles : entre attente et scepticisme
Mais la question demeure : cette décision, aussi forte soit-elle, changera-t-elle réellement le cours des choses sur le terrain ? En 2024, plus de 5 600 personnes ont été tuées par les violences armées en Haïti. Plus d’un million d’Haïtiens ont été déplacés. Des quartiers entiers sont devenus des zones interdites, des territoires perdus, des prisons ont été vidées, et la capitale est à genoux. Viv Ansanm a imposé sa loi en paralysant l’aéroport, en provoquant la fuite d’un Premier ministre, et en noyant toute tentative de gouvernance sous le feu nourri de ses kalachnikovs, AR15 et M50.
Certains sont sceptiques. Pour eux, la désignation américaine ne ramènera pas la sécurité du jour au lendemain. Elle ne rétablira ni l’État, ni la confiance, ni la paix civile. Pire encore, ils pense que cette décision risque de pousser ces groupes à la radicalisation ou à la clandestinité, les rendant plus dangereux, plus violents, et plus insaisissables.
Toutefois, cette initiative américaine est un signal envoyé au reste du monde. Elle contraint les autres puissances à sortir de leur neutralité molle. Elle appelle les Nations unies, la Caricom, l’Union africaine et l’Union européenne à ne plus se contenter de condamnations diplomatiques ou de communiqués. Car, désormais, soutenir ou ignorer ces groupes, c’est côtoyer juridiquement le terrorisme.
Elle est aussi un message à la diaspora haïtienne et à ses élites : soutenir ou financer des groupes armés n’est plus un simple acte politique, mais un crime passible de sanctions extraterritoriales. C’est la fin de l’ambiguïté.
Haïti au pied du mur
À travers cette désignation, Haïti est confrontée à une vérité brutale : son territoire est devenu une plaque tournante d’acteurs non étatiques aux ambitions militaires et économiques. Si l’État ne se relève pas, d’autres forces – criminelles, étrangères, ou humanitaires – rempliront le vide. L’heure n’est plus aux diagnostics, mais à l’action. Cette décision américaine, bien que tardive, peut devenir une manette stratégique, si elle s’accompagne d’un soutien logistique à la Police nationale, de pressions sur les pays fournisseurs d’armes, et d’un assainissement de la classe politique haïtienne.
La désignation de Viv Ansanm comme organisation terroriste n’est ni une baguette magique, ni une fin en soi. C’est une brèche dans le mur du silence, une tentative de dire au monde que ce qui se passe en Haïti n’est pas un simple effondrement local, mais une tragédie humaine aux proportions internationales. Pour que cette décision ait un sens, il faudra qu’elle s’accompagne d’un sursaut – national et international. Sinon, ce sera une étiquette de plus, collée sur les ruines d’un pays qui ne cesse de tomber.
Vant Bef Info (VBI)