Tensions entre le Rwanda et la RDC : Pourquoi Kigali veut-elle s’emparer de Goma ?
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Depuis plusieurs décennies, l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) est le théâtre de conflits récurrents impliquant le Rwanda. Ces dernières semaines, les tensions entre les deux pays ont atteint un niveau critique, provoquant des affrontements meurtriers et des dizaines de blessés, tant au sein des groupes armés que de la population civile. Au cœur de ces rivalités, Goma, capitale du Nord-Kivu, est une ville stratégique que Kigali semble vouloir contrôler à tout prix. Mais pourquoi cet acharnement sur cette ville frontalière ?
Une position géostratégique clé
Goma, le 29 janvier 2025 – Située à la frontière entre la RDC et le Rwanda, séparée de la ville rwandaise de Gisenyi par un simple poste-frontière, Goma est un point névralgique du commerce et des flux migratoires dans la région des Grands Lacs. La ville abrite un aéroport international, un important carrefour routier et une zone économique majeure. Contrôler Goma permettrait à Kigali d’exercer une influence directe sur l’Est congolais, tout en renforçant sa propre sécurité face aux menaces transfrontalières.
Un enjeu économique majeur : les ressources minières en ligne de mire
L’Est de la RDC est l’un des territoires les plus riches en minerais stratégiques au monde, notamment en coltan, cobalt, or et diamants. Ces ressources sont essentielles à l’industrie mondiale, en particulier pour la production de smartphones, batteries électriques et circuits électroniques.
Depuis plusieurs années, de nombreux rapports pointent du doigt le rôle du Rwanda dans l’exploitation illégale de ces richesses. Des réseaux de contrebande permettent à Kigali de tirer profit du commerce illicite des minerais congolais, souvent via des groupes armés alliés. La prise de Goma renforcerait cette mainmise et consoliderait l’économie rwandaise, qui repose en partie sur ces flux miniers.
La lutte contre les groupes armés : un prétexte sécuritaire ?
Le Rwanda justifie fréquemment ses incursions en RDC par la présence des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé hostile à Kigali, formé par des anciens génocidaires hutus réfugiés en territoire congolais.
En soutenant des mouvements comme le M23, Kigali affirme vouloir neutraliser ces factions et sécuriser ses frontières. Or, cette stratégie sert aussi des intérêts géopolitiques plus larges : contrôler Goma donnerait au Rwanda un avantage militaire considérable, lui permettant de dominer l’Est congolais et d’affaiblir l’influence de Kinshasa.
Une domination politique et diplomatique sur la région
Depuis plusieurs années, le Rwanda est accusé de manipuler les rébellions congolaises pour renforcer son influence régionale. Le contrôle de Goma offrirait à Kigali un levier diplomatique puissant dans les négociations internationales, notamment face à la Communauté des États de l’Afrique de l’Est (EAC) et à la Monusco, la mission des Nations Unies en RDC.
Cette domination stratégique permettrait également au Rwanda de forcer la RDC à composer avec ses intérêts, notamment en matière de gestion des ressources naturelles et de sécurité frontalière.
Une question identitaire et démographique sensible
L’Est de la RDC abrite une importante communauté rwandophone, comprenant les Banyamulenge et les Banyarwanda. Kigali a souvent utilisé cet argument pour justifier ses interventions, affirmant vouloir protéger ces populations contre les discriminations et les violences.
En prenant le contrôle de Goma, le Rwanda pourrait revendiquer une influence plus marquée sur cette région et renforcer sa présence démographique, en favorisant par exemple le déplacement de populations pro-Kigali au détriment des Congolais autochtones.
Un avenir incertain pour Goma et la RDC
L’obsession du Rwanda pour Goma s’explique donc par une combinaison de facteurs stratégiques, économiques, sécuritaires et politiques. Cette ville est un verrou essentiel pour la stabilité régionale et représente un enjeu majeur dans la lutte d’influence entre Kigali et Kinshasa.
Cependant, cette ambition expansionniste alimente une instabilité chronique et menace la souveraineté de la RDC. Les populations locales, déjà victimes des exactions des groupes armés, craignent une escalade des violences et un élargissement du conflit.
Alors que la communauté internationale appelle à la désescalade, la situation reste extrêmement tendue. Une nouvelle guerre ouverte entre la RDC et le Rwanda pourrait avoir des conséquences dramatiques, tant pour la région des Grands Lacs que pour l’ensemble du continent africain.
Judelor Louis Charles
VANT BÈF INFO (VBI)
Avec Le Monde