« Si Haïti était l’Ukraine, l’Internationale aurait déjà fait une démonstration de force », écrit Miami Herald
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Que vont faire les États-Unis et la communauté internationale ? La question centrale mentionnée dans un texte d’opinion publié le 2 septembre 2023, dans les colonnes du journal Miami Herald, qui analyse et commente la situation sécuritaire en Haïti. Selon le média Floridien, la réponse à cette question semble être “pas grand-chose pour le moment”. De l’avis du journal, « si Haïti était l’Ukraine, l’Internationale aurait déjà fait une démonstration de force ».
Nous publions, in extenso, le texte d’opinion de Miami Herald :
Dans la Bible, Canaan était la terre promise. En Haïti, Canaan était une terre de promesse, une vallée montagneuse au nord de Port-au-Prince qui a attiré les réfugiés du tremblement de terre apocalyptique de 2010. Dans les mois qui ont suivi le tremblement de terre, j’ai vu ces Haïtiens meurtris transformer un camp de « squatters tentaculaires en une communauté ».
Des rues, des magasins, des écoles. J’ai vu des gens comme Rodrigue Jean, 33 ans, qui avait perdu un enfant dans la mer de décombres de la capitale, diriger la construction en parpaings d’un dispensaire pour les enfants comme le nouveau bébé que sa femme allait bientôt mettre au monde à Canaan.
Je les ai vus transformer ce lopin de terre poussiéreux en un nouveau témoignage de la résilience naturelle d’Haïti. « C’est ici que se trouve l’espoir », m’a dit Jean en novembre 2010. « C’est ici que nous battons la mort. Il était donc d’autant plus déchirant de voir la mort battre Canaan le week-end dernier. Des hommes armés y ont massacré plus de 20 paroissiens – dont des enfants – qui manifestaient pour protester contre les gangs violents qui contrôlent la nouvelle banlieue et une grande partie du reste d’Haïti ».
Il était doublement angoissant, cependant, d’apprendre que l’atrocité avait été déclenchée en grande partie par les actions du chef de l’Église évangélique, Marcorel Zidor, connu à Canaan sous le nom de Pasteur Marco. Le pasteur Zidor, délaissant son rôle de vicaire responsable pour celui de justicier téméraire, avait incité des centaines de fidèles à prendre des bâtons et des machettes et à ne pas se contenter d’agresser les gangsters locaux, mais à les attaquer.
Le chef de gang qu’ils visaient, connu sous le nom de “Jeff”, à plus tard – et mollement – invoqué la légitime défense, puisque d’autres membres de gangs ont été brutalement lynchés cette année par des Haïtiens excédés dans le cadre d’une campagne de justiciers appelée “Bwa Kale”, ou justice rapide.
La Police Nationale Haïtienne, qui n’est pas en mesure de se protéger contre les assauts de la mafia et encore moins contre les civils, ne peut que hausser les épaules cette semaine, comme pour dire : “Que pouvons-nous faire ? Que pouvons-nous faire ?”
La question reste donc posée – pour la énième fois, alors qu’Haïti s’enfonce, sous l’impulsion des gangs, dans le chaos d’un État failli : que vont faire les États-Unis et la communauté internationale ? Et, pour la énième fois, la réponse semble être : pas grand-chose pour le moment.
En effet, la dernière “solution” à la crise – une mission internationale d’assistance policière que le Kenya s’est dit prêt à diriger – ne s’avère pas être l’arrivée de la cavalerie que les Haïtiens espéraient. En fait, comme le rapporte Jacqueline Charles du Miami Herald, notre partenaire d’information sur le réseau WLRN, l’énoncé de la mission paraissait vouloir que tous ces gendarmes étrangers se contentent de protéger l’infrastructure du gouvernement haïtien plutôt que de s’attaquer à la véritable source du cauchemar : les gangs.
Une emprise sadique des États-Unis et d’autres pays qui ont participé à l’élaboration de la mission font valoir que si les policiers internationaux gardent les ports et les bâtiments ministériels, cela libère davantage de policiers haïtiens pour poursuivre 5 secondes, 400 Mawozo, Kraze Baryè et tous les autres groupes criminels qui tirent des fusils d’assaut et qui tiennent 80 % de Port-au-Prince et des pans entiers du reste du pays sous leur emprise sadique.
Mais la réalité est là : Vous pourriez jeter tous les insignes d’une police haïtienne “libérée” sur les gangs – des voyous responsables de quelque 2,500 meurtres en Haïti cette année, sans parler des enlèvements, des viols et des détournements de nourriture, de carburant et de médicaments dont le pays a désespérément besoin – et les gangs possèderaient toujours Haïti. Ses citoyens seraient toujours terrorisés.
Le massacre de Canaan du week-end dernier devrait être un nouveau rappel horrible non seulement de cette réalité, mais aussi d’une autre : la probabilité que tant que les gangs erreront sans être contrôlés par les forces de l’ordre, des imbéciles messianiques comme le pasteur Marco continueront d’inciter les Haïtiens à un vigilantisme sans foi ni loi – et à d’autres effusions de sang. Les communautés comme Canaan, après tout, ont l’habitude de se battre seules pour la terre promise.
Intégralité du texte :
https://www.miamiherald.com/opinion/op-ed/article278823774.html