Sécurité : l’État haïtien accusé d’avoir facilité l’essor des gangs, selon le CARDH

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Le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) accuse l’État haïtien d’avoir permis, par son inaction et certaines décisions controversées, l’expansion des gangs armés à travers le pays. Dans son dernier rapport, l’organisation parle d’une « politique d’inaction complice », pointant du doigt un laisser-faire délibéré ayant favorisé l’enracinement des groupes criminels.

Port-au-Prince, le 2 juin 2025 – Le document souligne notamment les déclarations publiques de l’ancien Premier ministre Joseph Jouthe, qui a reconnu avoir établi des contacts directs avec des chefs de gangs notoires, dont Izo et Amos. En 2020, une opération policière annoncée par l’ex-ministre Lucmanne Delille à Village-de-Dieu avait été annulée sans explication, laissant les habitants à la merci des groupes armés.
Le 12 mars 2021, une autre intervention des forces de l’ordre dans cette même zone s’est soldée par la mort tragique de cinq policiers, certains de leurs corps mutilés. Le responsable de l’unité impliquée a été suspendu brièvement avant d’être réintégré, sans qu’aucune sanction significative ne soit prononcée.
Le CARDH dénonce une stratégie de non-affrontement qui, selon lui, a contribué à renforcer les gangs. La création de la coalition G9 an fanmi e alye, dirigée par d’anciens policiers et tolérée par les autorités, a marqué un tournant dans l’organisation militaire des groupes criminels. Le cas de Martissant est emblématique : l’État y a déployé des conteneurs à des fins de sécurisation, avant de les retirer sans justification.
Le rapport évoque aussi des pactes tacites entre certains responsables politiques et les gangs, soulignant que des élus auraient bénéficié de leur appui pour conserver leur influence. Aucune enquête parlementaire n’a été ouverte à ce sujet, illustrant selon le CARDH la persistance d’une culture de l’impunité.
Enfin, l’organisation critique l’absence d’une stratégie nationale cohérente pour lutter contre la violence armée. Mal équipée, insuffisamment formée et sans directives claires, la Police nationale d’Haïti (PNH) est dépassée, tandis que les gangs imposent leur loi dans plusieurs zones du pays.
Pour le CARDH, la montée des gangs n’est pas accidentelle, mais bien « le résultat d’un abandon délibéré des fonctions régaliennes de l’État ».
Belly-Dave Bélizaire
Vant Bèf Info (VBI)