Sécurité en Haïti : Du Centre-ville à Carrefour, un trajet de plus en plus dangereux

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Le trajet en Haïti est devenu un véritable cauchemar. La majorité des routes sont aujourd’hui bloquées ou sous le contrôle de gangs lourdement armés, qui imposent des frais illégaux aux chauffeurs à chaque passage. C’est notamment le cas sur le tronçon reliant le Centre-ville de Port-au-Prince à Carrefour. Confrontés aux besoins quotidiens de leurs familles et à l’absence d’alternatives, les chauffeurs n’ont d’autre choix que de braver ces zones de danger extrême pour tenter de gagner leur vie.

Port-au-Prince, le 5 mai 2025; Sur la ligne Port-au-Prince / Carrefour, chaque journée est un pari risqué. Pourtant, chauffeurs et passagers continuent de l’emprunter, contraints par la nécessité de survivre, de travailler, de subvenir aux besoins de leurs familles. Un trajet devenu cauchemardesque, ponctué de dangers mortels, de dépenses croissantes et de souffrances silencieuses.

Depuis l’attaque du 11 mars 2021, au cours de laquelle plusieurs agents d’Unités spécialisées de la Police nationale d’Haïti (PNH) ont perdu la vie à Martissant, cette zone jadis névralgique est devenue un couloir de la mort. Le contrôle des gangs sur les axes du sud de Port-au-Prince, notamment à Fontamara, Martissant, la Ruelle Alerte et d’autres points sensibles, s’est renforcé au fil des années.
Des postes de péage clandestins imposés par les gangs
Les chauffeurs doivent aujourd’hui débourser jusqu’à 500 gourdes par poste de péage pour un minibus de 30 places. Pour les autobus transportant plus de 80 personnes, le montant est encore plus élevé. En 2021, on comptait deux postes de péage clandestins sur ce tronçon. Aujourd’hui, ils sont au nombre de quatre, chacun contrôlé par un groupe armé distinct, exigeant leur part pour « garantir » le passage.
Une hausse vertigineuse des coûts
Le prix du trajet entre Carrefour et le Centre-ville a explosé : de 25 gourdes en 2020, il est passé à 100 gourdes aujourd’hui, soit une augmentation de 75 %. Dans les jours les plus critiques, certains chauffeurs, profitant de la panique générale, augmentent encore les tarifs parfois à 200 voire 250 gourdes.
Des pertes humaines difficilement quantifiables
Il n’existe pas de statistiques officielles consolidées sur le nombre exact de morts sur cet axe. Toutefois, plusieurs sources médiatiques et humanitaires estiment que plusieurs dizaines de personnes, passagers comme chauffeurs, ont perdu la vie entre 2021 et 2025 dans des affrontements, des braquages ou des actes de violence des bandes armées. Les témoignages abondent, tragiques.
J’ai perdu plusieurs collègues dans les tirs à Martissant et au centre-ville. Je continue de rouler, mais chaque jour, je prie Dieu et les esprits pour revenir vivant. On n’a pas d’autre choix », confie un chauffeur de bus, rencontré à la station de Saint-Charles, le 3 mai 2025.
« Nous, les passagers, n’avons pas d’autre alternative. On doit payer le loyer, la scolarité de nos enfants. Laisser Carrefour definitivement pour habiter à Delmas ou Pétion-Ville ça demande un coût que plus d’un ne peut pas se permettre », explique une passagère anonyme.
Une société entière sous pression
Tous les secteurs de la société sont touchés par cette insécurité chronique : commerçants, étudiants, fonctionnaires, enfants, parents. La peur est devenue une compagne quotidienne. Le désespoir aussi.
Alors que le pays traverse une crise humanitaire et sécuritaire sans précédent, une question hante les esprits : quand cette situation prendra-t-elle fin ?
Floriane Dorval
Vant Bèf Info (VBI)