Santé mentale : le stress, l’anxiété et le traumatisme collectif, un fardeau silencieux pour les populations vulnérables

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La crise multidimensionnelle qui secoue Haïti depuis plusieurs années ne se limite pas aux violences et aux difficultés économiques. Elle a aussi un impact profond et durable sur la santé mentale des Haïtiens, en particulier les plus vulnérables. Enfants, femmes et travailleurs subissent un stress chronique, amplifié par l’absence de structures adaptées pour les accompagner.

Un quotidien marqué par l’angoisse et l’insécurité
Port-au-Prince, 25 mars 2025 – Dans un pays où l’insécurité, la pauvreté et l’absence de services publics dictent le quotidien, le traumatisme s’ancre dans les esprits. Les enfants, particulièrement exposés, sont nombreux à avoir été témoins de violences, de pertes humaines et de déplacements forcés. Ces expériences nourrissent des troubles anxieux et dépressifs précoces, compromettant leur développement psychologique.
Les femmes, quant à elles, vivent sous la menace constante des violences sexuelles et domestiques, dans un climat où l’impunité prévaut. « Je respire, mais je ne vis pas », confie Carole, 49 ans, réfugiée dans un centre de déplacés après avoir été chassée de sa maison à Delmas 30. Son récit est glaçant : « Une soirée inoubliable et traumatisante », dit- elle, en évoquant l’attaque de sa communauté par les hommes armés du gang Viv Ansanm. Elle et sa fille de 16 ans ont été violées, tandis que son mari a été exécuté avant que son corps soit brûlé.
Un traumatisme collectif qui paralyse une nation
La souffrance psychologique dépasse les individus et s’inscrit dans une mémoire collective douloureuse. L’insécurité persistante engendre un sentiment d’impuissance généralisé, où chaque jour est une lutte pour la survie. « Cette crise a trop duré. C’est comme un complot contre le peuple », s’indigne une employée de la SONAPI, préférant garder l’anonymat. Comme beaucoup d’autres travailleurs, elle vit avec un stress constant, entre précarité économique et menace des gangs.
Une surcharge mentale chez les travailleurs
Les travailleurs haïtiens, qu’ils soient dans le secteur formel ou informel, sont soumis à une pression psychologique intense. La précarité de l’emploi, l’incertitude de l’avenir et l’absence de protection sociale les plongent dans un état d’anxiété permanent. Le psychologue social Pierre Riche Dulmé François qualifie ce phénomène de « surcharge mentale », expliquant qu’il peut conduire à des troubles de l’humeur, des burnouts et des dépressions sévères.
Un système de santé mentale quasi inexistant
Malgré l’ampleur des besoins, Haïti ne dispose ni d’infrastructures suffisantes ni de professionnels en nombre adéquat pour répondre aux détresses psychologiques. M. François s’interroge : « Pourquoi l’Université d’État d’Haïti forme-t-elle des psychologues si aucune structure ne leur permet d’exercer efficacement ? » Il plaide pour la mise en place de programmes de sensibilisation et de prise en charge, afin d’offrir un minimum de soutien aux populations affectées.
La crise haïtienne ne se mesure pas uniquement en termes de pauvreté ou de violences visibles. L’impact sur la santé mentale est tout aussi alarmant et appelle à des actions concrètes. Sans une réponse adaptée, le pays continuera d’être marqué par un traumatisme collectif profond, freinant toute perspective de reconstruction sociale et humaine.
Jean Gilles Désinord
Vant Bèf Info (VBI)