Relance des vols domestiques : 11 millions de dollars à Sunrise, un signe de « capture de l’État », selon Enomy Germain

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Alors que le pays traverse une crise sécuritaire et économique sans précédent, le gouvernement haïtien a conclu un accord avec Sunrise Airways pour la relance des vols internes. Montant de l’enveloppe : jusqu’à 11 millions de dollars américains. Si l’initiative est présentée comme une réponse au besoin de désenclavement territorial, elle est dénoncée par l’économiste Enomy Germain comme un nouvel exemple de la « capture de l’État par le secteur privé ».

Port-au-Prince, 10 juin 2025 — Dans une déclaration publique, M. Germain rappelle que Sunrise détient actuellement le monopole de fait sur les liaisons aériennes domestiques. Lui accorder une telle subvention, sans appel d’offres ni contrepartie claire, revient selon lui à renforcer une position dominante, au détriment de la concurrence et de l’intérêt public. « C’est un soutien intentionnel à une structure de pouvoir économique déjà consolidée », affirme-t-il.

Une stratégie aux effets pervers ?

Le gouvernement justifie son choix par la nécessité de rétablir la mobilité entre les régions, dans un contexte où l’insécurité paralyse les axes routiers. Mais pour l’économiste, la mesure reste cosmétique : « On traite les symptômes, sans jamais s’attaquer aux causes profondes : insécurité, effondrement des routes, déséquilibres structurels. »

Enomy Germain pointe également le risque d’aléa moral. Une entreprise subventionnée en contexte de crise peut être tentée de tirer profit de l’instabilité, plutôt que de chercher à améliorer son efficacité. « Ce n’est pas éthique, mais c’est rationnel », commente-t-il, dénonçant une relation de dépendance malsaine entre État et entreprise privée.

Une cérémonie officielle… et des critiques persistantes

La signature du protocole d’accord a eu lieu le 5 juin 2025 à l’aéroport Guy Malary, en présence du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, du ministre de l’Économie Alfred Métellus, du directeur de l’Autorité aéroportuaire nationale, Yves Ducarmel François, et du PDG de Sunrise Airways. La compagnie reprendra ses opérations à partir du 12 juin, avec des vols vers Cap-Haïtien, Jacmel et Jérémie.

Pour les autorités, cette initiative marque un pas vers la relance économique et la reconstruction d’un réseau de transport national. Mais aux yeux de Germain, elle révèle surtout une gouvernance dominée par les intérêts privés. « Le secteur privé est au pouvoir, à la Primature comme au CPT », lâche-t-il.

Alors que l’État investit massivement dans une entreprise privée sans garantie de résultats ni contrôle citoyen, la question centrale demeure : à qui profite réellement cette relance du transport aérien ?

Vant Bèf Info (VBI)

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