Pourquoi les dirigeants haïtiens échouent-ils à mettre le pays sur les rails du développement ?
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Par Wandy CHARLES
Depuis des décennies, Haïti se trouve dans une situation paradoxale : un pays historiquement indépendant, doté d’une richesse culturelle inestimable, mais économiquement et socialement en proie à une stagnation alarmante. Nombreux sont les dirigeants qui se sont succédé, de diverses orientations et formations -technocrates, intellectuels, politiciens de métier- sans parvenir à sortir le pays de l’impasse du sous-développement.
Il est clair que les raisons d’un tel échec sont multiples et complexes. Mais commençons par une question centrale : pourquoi les dirigeants haïtiens n’arrivent-ils pas à donner à Haïti une direction claire et stable vers le développement ?
Un pays en otage des intérêts individuels ?
À maintes reprises, l’on observe que les priorités de certains dirigeants semblent davantage dictées par des intérêts personnels que par l’urgence nationale. Dans bien des cas, les décisions de l’État sont prises en fonction de groupes d’intérêts plutôt que du bien commun. L’intérêt national se retrouve alors relégué au second plan, au profit de stratégies de court terme, de calculs politiques et d’ambitions individuelles. Peut-on vraiment parler de leadership dans ces conditions ? Peut-on espérer que ces choix motivés par des intérêts mesquins conduisent Haïti vers une prospérité durable ?
Incapacité, corruption ou absence de vision ?
Les raisons de cet échec collectif sont-elles principalement liées à l’incapacité de certains dirigeants ? À un manque de compétence ? Ou la corruption généralisée ronge-t-elle toutes les tentatives de réforme avant même qu’elles n’aient pu se concrétiser ? Peut-être la question est-elle encore plus fondamentale : le pays souffre-t-il d’un manque de vision à long terme, de dirigeants capables de s’engager réellement pour un projet de développement ambitieux et structuré ?
La situation en Haïti semble indiquer que la difficulté n’est pas seulement technique, mais aussi éthique. La moralité des dirigeants joue un rôle clé dans l’évolution de toute nation. Or, peut-on parler de moralité lorsque les ressources publiques sont détournées ? Lorsque les postes et les contrats sont distribués en fonction de liens familiaux et d’allégeances politiques ? Cette réalité pose un défi de taille, non seulement en matière de gouvernance, mais aussi de justice sociale, car ce sont les couches les plus vulnérables de la société qui souffrent le plus de ces défaillances structurelles.
Un pays qui rate toutes les révolutions ?
Depuis 1804, Haïti semble en effet avoir manqué les grandes transformations du monde moderne. L’industrialisation, qui a permis à tant de nations d’accéder à la prospérité, n’a jamais réellement pris racine en Haïti. La révolution verte, qui a modernisé l’agriculture dans le monde entier, n’a pas non plus trouvé d’écho ici. Et que dire de la révolution technologique, qui transforme aujourd’hui les économies les plus avancées ? Pendant que le monde avance à un rythme accéléré, Haïti reste figée, incapable de rattraper son retard. Comment expliquer cet immobilisme ?
Les échecs successifs des gouvernements à promouvoir une vision de développement moderne et inclusive interpellent. Pourquoi les dirigeants haïtiens ne parviennent-ils pas à anticiper ces bouleversements mondiaux et à en faire profiter leur propre pays ? Est-ce une absence de stratégie ou une inaptitude à s’inscrire dans l’histoire mondiale ?
Peut-être est-il temps de réfléchir à une nouvelle manière de gouverner, à une refondation complète des institutions et de la vision nationale. Haïti a besoin de dirigeants visionnaires, capables de privilégier l’intérêt collectif et de porter des projets de développement à long terme. La question ultime reste donc celle-ci : les dirigeants haïtiens sont-ils prêts à prendre cette responsabilité ? Sont-ils prêts à tourner le dos aux pratiques du passé et à s’engager résolument dans une voie de développement durable, en plaçant Haïti, enfin, au-dessus des ambitions individuelles et des logiques de pouvoir ?
Car au fond, la réussite d’Haïti repose sur la capacité de ses dirigeants à transcender leurs intérêts personnels et à s’engager sincèrement pour la nation.