Port-au-Prince : Un péage illégal au centre-ville — la population rançonnée par les gangs

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Un poste de péage illégal a récemment été installé sur la route des Dalles, dans le prolongement de l’avenue Christophe, en plein centre-ville de Port-au-Prince. Mis en place par des groupes armés, ce point de passage forcé touche tous les usagers : automobilistes, passagers des transports publics et même les piétons.

Port-au-Prince, le 8 mai 2025._Depuis quelque temps, Haïti est confrontée à une nouvelle forme d’insécurité : des groupes armés établissent des postes de péage dans plusieurs zones de la capitale. Cette pratique suscite une vive inquiétude et perturbe profondément le quotidien des citoyens.

« Je fréquente régulièrement cette zone. Un jour, alors que je me rendais en ville, un embouteillage causé par des tirs entre les forces de l’ordre et les gangs m’a contrainte à continuer à pied. En marchant, un jeune homme armé m’a bloqué le passage et exigé 50 gourdes. J’ai cru à une blague, mais j’ai vite compris que ce n’en était pas une », témoigne une passante, visiblement choquée.

Même les enfants ne sont pas épargnés. D’après plusieurs témoignages, les élèves doivent aussi payer pour traverser la zone : 25 gourdes par passage. Certains sont contraints de réduire leurs dépenses scolaires pour pouvoir payer cette « taxe ».« Quand ma mère me donne 100 gourdes pour manger, je suis obligé d’en garder 50 pour payer le “chef”. On n’a pas le choix », confie tristement un adolescent de 14 ans.

Les piétons doivent, eux aussi, s’acquitter de ce « droit de passage ».« On paie en voiture, on paie à pied. C’est de l’irresponsabilité de la part de nos dirigeants », déplore un élève en classe terminale, las de cette situation qui s’éternise.

Les chauffeurs de transport en commun ne sont pas épargnés non plus.« À chaque passage, c’est 200 gourdes. Aller-retour. Si on refuse, on risque de se faire tirer dessus », explique, sous couvert d’anonymat, un chauffeur de tap-tap. Cette extorsion entraîne une hausse automatique des tarifs de transport.

De leur côté, les parents expriment leur frustration et pointent du doigt l’inaction des autorités face à cette insécurité galopante.« Chaque matin, nous devons doubler nos dépenses à cause de cette situation », déclare un père de famille, avant d’ajouter avec amertume : « Nous vivons aujourd’hui au seuil de la mort. »

Ce phénomène illustre l’effondrement total de l’autorité de l’État dans plusieurs quartiers de la capitale.« Nous vivons dans une république de gangs. Où sont passées les autorités ? », s’interroge Chrispin, un chauffeur de taxi.

Malgré l’indignation croissante, les autorités n’ont jusqu’à présent apporté aucune réponse. Ce silence, doublé de leur inaction, alimente un profond sentiment d’abandon au sein de la population.

Dans un contexte déjà marqué par une crise humanitaire, économique et sécuritaire sans précédent, ces péages improvisés apparaissent comme un symptôme supplémentaire du chaos ambiant. Port-au-Prince semble plus que jamais fragmentée, soumise à la loi des armes, où chaque déplacement devient une épreuve. Et pourtant, malgré leur impuissance évidente, les dirigeants s’accrochent au pouvoir. Mais pour quels résultats ?

Jean Gilles Désinord
Vant Bèf Info (VBI)

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