Port-au-Prince : l’été confisqué des enfants pris au piège de la violence

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L’heure des vacances ne rime plus avec liberté pour les enfants de la capitale haïtienne. À Port-au-Prince, les rêves estivaux sont étouffés par les rafales de balles, les déplacements forcés et la disparition progressive des lieux de loisir. Une génération grandit sous l’emprise de la peur, enfermée dans un quotidien sans insouciance.

Delmas, 1er juin 2025 – En temps normal, l’été est synonyme de jeux, de soleil et de répit scolaire. Mais dans une ville rongée par l’insécurité, les enfants sont confinés chez eux, prisonniers d’un climat de terreur.
« Je voulais aller au camp de foot, mais maman dit que c’est trop dangereux. Il y a eu des tirs pas loin la semaine dernière », confie Samuel, 11 ans, élève en 5e année fondamentale à Delmas.
Des espaces de loisir abandonnés ou sous contrôle armé
Terrains de sport, plages urbaines, centres culturels ou parcs publics : la majorité des lieux de détente sont devenus inaccessibles. Certains sont fermés, d’autres contrôlés par des groupes armés.
« Même le terrain de basket du quartier, c’est fini. On entend des motos, on voit des hommes armés. Nos parents ont peur », explique Daphnée, 14 ans.
D’après plusieurs ONG, près de 60 % des espaces récréatifs de la capitale sont considérés comme « à haut risque » ou « inutilisables ». Les écoles déplacées ou fermées n’organisent plus d’activités estivales, aggravant l’isolement.
Une enfance volée, des traumatismes durables
Pour le psychologue pour enfants Dr Josué Célestin, la situation est alarmante :
« Ce que vivent ces enfants s’apparente à une captivité psychologique. Privés d’innocence, exposés à la violence, contraints parfois à fuir… Ils portent en eux des blessures invisibles mais profondes. »
Troubles du sommeil, anxiété, stress post-traumatique : les séquelles psychologiques se multiplient dans un silence institutionnel quasi-total.
« Sans soutien, ces enfants construisent leur avenir sur la peur », ajoute le spécialiste.
Entre résilience fragile et absence de l’État
Malgré tout, certains tentent de préserver un souffle d’espoir.
« Moi, je lis et j’écris des histoires », raconte Myriam, 13 ans, qui rêve de devenir autrice.
Quelques initiatives communautaires survivent et proposent des activités encadrées, mais les moyens restent dérisoires. L’État, quant à lui, demeure largement absent, incapable d’assurer la sécurité ou de garantir les droits les plus élémentaires des enfants.
Une urgence silencieuse
À Port-au-Prince, les enfants n’attendent plus les vacances. Ils attendent que cesse la peur. Que leur droit de vivre, de jouer et d’espérer soit enfin protégé. Leur détresse est une urgence humanitaire que personne ne peut continuer à ignorer.
Judelor Louis Charles
Vant Bèf Info (VBI)