Nos mères debout dans le chaos… malgré tout !

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Par Wandy CHARLES
Ce dernier dimanche du mois de mai (26), jour de célébration nationale des mères en Haïti, la majorité d’entre elles ne reçoivent ni fleurs, ni répit. Les mamans d’ici n’ont pas le luxe de contempler les sourires de leurs enfants autour d’un repas de fête. À la place, elles veillent, elles triment. Elles comptent les heures, les rares bouchées de nourriture, les dangers. Elles tiennent debout, non par choix, mais par nécessité. Nos mères survivent, elles ne fêtent pas.

En Haïti, être mère aujourd’hui, c’est d’abord lutter contre la faim. Dans un pays où plus de 5,7 millions de personnes vivent en insécurité alimentaire, où l’économie s’enfonce depuis six années consécutives dans la récession, les mères sont souvent les dernières à manger — si tant est qu’il reste quelque chose dans la « chaudière ». Elles nourrissent d’abord leurs enfants, parfois au prix de leur propre santé, parfois au prix de leur dignité.
Dans les bidonvilles de Port-au-Prince, dans les abris précaires de Gressier, de Delmas ou de Tabarre, des milliers de femmes élèvent leurs enfants sans toit stable, sans eau potable, sans services de base. Près de 703 000 personnes sont aujourd’hui déplacées à l’intérieur du pays en raison des violences armées. Un chiffre glaçant qui dissimule des tragédies humaines inexprimables : des accouchements sans soins, des enfants arrachés à l’école, des adolescentes livrées aux réseaux de prédation sexuelle ou au trafic d’organes, souvent avec la bénédiction du silence.
Car oui, le silence tue aussi. Le silence des institutions défaillantes, de la communauté internationale lassée, du monde qui regarde ailleurs. Les mères haïtiennes, elles, n’ont pas ce privilège. Elles affrontent quotidiennement l’indicible : la peur du viol, de l’enlèvement, de l’extorsion ; l’incapacité à accéder à un centre de santé, souvent fermé, pillé ou abandonné. En 2025, des milliers de femmes enceintes n’ont toujours pas accès aux soins maternels essentiels, exposant leur vie et celle de leur bébé à une double sentence.
Et pourtant, elles résistent. Elles trouvent la force, au milieu des ruines, d’éduquer, de consoler, de transmettre. Elles sont les dernières institutions encore debout dans un pays en ruines.
En cette Fête des Mères, il est indécent de leur offrir seulement des mots tendres ou des fleurs qui faneront vite. Ce qu’elles réclament, c’est un engagement concret, immédiat, soutenu. Il y a urgence à les protéger, à les écouter, à les accompagner. Il faut surtout penser à briser ce cycle de misère et de violence dans lequel la maternité devient un combat pour la survie, non un choix libre et épanoui.
Ne laissons pas cette journée être une hypocrisie de plus, une façade ou une occasion de saupoudrage. Rendons-lui sa pleine signification : celle d’un hommage actif, d’une solidarité tangible, d’une mobilisation résolue en faveur des mères haïtiennes, piliers invisibles d’un pays qui vacille.
Vant Bèf Info (VBI)