Migration, commerce et silence diplomatique : comment la crise haïtienne alimente l’économie dominicaine

Getting your Trinity Audio player ready...
|
Alors qu’Haïti s’enfonce dans une crise multidimensionnelle, la République dominicaine semble en tirer profit. Dans une entrevue exclusive accordée à Vant Bèf Info, un expert en diplomatie dresse un constat alarmant : sous couvert d’instabilité politique, d’insécurité généralisée et d’effondrement institutionnel en Haïti, l’économie dominicaine prospère. Migration incontrôlée, commerce frontalier asymétrique et inertie diplomatique haïtienne alimentent ce déséquilibre régional.

Des diplomates impuissants face à la machine migratoire
Santiago, 13 mai 2025 – Les diplomates haïtiens en République dominicaine échappent, pour l’instant, aux persécutions que subissent les ressortissants ordinaires. Une fois accrédités après obtention d’un visa, ils bénéficient d’un statut protégé. Cependant, leur capacité d’action reste limitée, faute de directives claires de l’État haïtien. Résultat : face aux multiples violations des droits des migrants haïtiens, les représentants officiels gardent le silence.
« Ils ne peuvent agir sans instructions précises. Ils ne sont que les bras prolongés d’un pouvoir absent », explique l’expert.
Violations des droits humains et expulsions arbitraires
Les déportations massives continuent à travers les points frontaliers de Dajabón et Elías Piña. Pourtant, la législation migratoire dominicaine interdit certaines expulsions, notamment celles touchant les femmes enceintes ou les personnes vulnérables, selon le Protocole de 1999. Ces règles sont cependant régulièrement violées. Des témoignages font état d’arrestations arbitraires, de violences et d’abus physiques.
L’expert évoque la possibilité d’un moratoire ou d’accord temporaire invoquant la crise humanitaire qui sévit en Haïti, mais déplore l’absence de toute initiative politique en ce sens.
Une frontière ouverte au commerce, fermée aux humains
Pendant que les citoyens haïtiens se voient refuser l’entrée en territoire dominicain, les produits dominicains, traversent la frontière sans encombre. Ce paradoxe illustre la dépendance commerciale qui s’est installée. Certaines entreprises étrangères, implantées en territoire dominicain, existent exclusivement pour exporter vers Haïti.
« Même lors de la fermeture de la frontière par Haïti durant la crise du canal à Ouanaminthe, les importateurs haïtiens ont rapidement relancé les commandes, contredisant la décision politique initiale », indique l’expert.
Une prospérité dominicaine bâtie sur la crise haïtienne
Selon les estimations partagées, près de 60 % de l’économie dominicaine reposent sur le commerce avec Haïti. Cette dépendance pourrait, pourtant, être un levier stratégique. L’expert soutient qu’un boycott structuré ou la mise en œuvre d’une alternative commerciale aurait pu – ou pourrait encore – renverser ce rapport de force.
« Haïti n’est pas totalement impuissante. C’est l’inaction politique qui entretient le déséquilibre », tranche-t-il.
Entre migration forcée et commerce déséquilibré, la relation haïtiano-dominicaine s’enlise dans un rapport de domination économique et diplomatique. Face à ce constat, l’absence d’une position forte de l’État haïtien pèse lourdement. La voix des diplomates haïtiens, muselée par l’indécision politique, reste inaudible. Seule une stratégie diplomatique claire, courageuse et coordonnée pourrait encore renverser la vapeur.
Belly-Dave Bélizaire
Vant Bèf Info (VBI)