Magalie Habitant : de la gestion des déchets à l’ombre des gangs

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Ancienne directrice du Service Métropolitain de Collecte des Résidus Solides (SMCRS), Magalie Habitant s’impose aujourd’hui comme l’une des figures les plus controversées de la sphère publique et politique haïtienne. Son parcours, autrefois associé à la gestion urbaine, est désormais terni par de lourdes accusations de détournement de fonds publics, de gestion opaque et, plus récemment, de connivence présumée avec des groupes armés opérant dans la capitale. À la croisée des chemins entre politique, affaires et criminalité organisée, le nom de Magalie Habitant résonne au cœur de multiples crises qui rongent l’État haïtien. Vant Bef Info campe son portrait :

Une gestion publique minée par des irrégularités majeures

Le 8 juillet 2021, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) rend un arrêt sans appel : Magalie Habitant et plusieurs cadres du SMCRS sont condamnés à restituer solidairement plus de 38 millions de gourdes au Trésor public. L’audit révèle une série de pratiques douteuses, allant de la légèreté comptable à la dissimulation pure et simple : 12 millions de gourdes transférées à une entité fictive, dénommée “SMCRS/Nord”, sans la moindre pièce justificative ; 11,25 millions de gourdes engagées dans des contrats obscurs, passés en dehors des procédures réglementaires ; 16,6 millions de gourdes allouées à l’achat de pièces détachées, sans documentation probante.

Devant la gravité des faits, la Cour a ordonné l’inscription d’une hypothèque légale sur les biens meubles et immeubles de l’ancienne directrice et de ses collaborateurs, ainsi que la poursuite de l’audit pour l’ensemble de sa période de gestion. Convoquée par le parquet en février 2022, Magalie Habitant a brillé par son absence, alimentant les soupçons d’obstruction à la justice.

Une réapparition controversée, sous le vernis de l’action citoyenne

Contre toute attente, en juillet 2024, Magalie Habitant tente un retour médiatique en lançant une campagne de nettoyage dans les rues de Port-au-Prince. Présentée comme une initiative civique, cette opération soulève très vite l’indignation : absence totale de transparence sur les sources de financement, non-paiement des ouvriers engagés, absence de coordination avec les autorités locales. Le maire de la capitale ne cache pas son scepticisme, dénonçant un double discours étatique et pointant une manœuvre de communication visant à réhabiliter une image profondément ternie.

Du service public à l’ombre du crime organisé ?

Les révélations les plus inquiétantes émergent en 2025. Selon plusieurs sources judiciaires, Magalie Habitant aurait entretenu des relations étroites avec les plus influents chefs de gangs de la capitale. Des relevés téléphoniques et des enregistrements audio établissent des communications régulières avec des figures tristement emblématiques : Jimmy “Barbecue” Chérizier, Johnson “Izo” André, Renel “Ti Lapli” Destina et Claudy “Chen Mechan” Célestin.

Elle aurait reconnu avoir utilisé son propre téléphone – ainsi que celui de son chauffeur – pour effectuer des transferts électroniques via Mon Cash à destination de ces individus. Plus alarmant encore, elle est soupçonnée d’avoir soutenu logistiquement et financièrement la coalition criminelle “Viv Ansanm”, notamment à travers l’achat de munitions et la facilitation de paiements de rançon.

Un réseau d’influence à la croisée du politique et de l’illégal

L’enquête en cours dévoile peu à peu les contours d’un système de collusion entre acteurs politiques et groupes armés. Des fonds publics auraient été détournés afin de soutenir des activités criminelles, révélant une imbrication pernicieuse entre gouvernance institutionnelle et violence organisée. Arrêtée en janvier 2025, Magalie Habitant a été déférée au cabinet d’instruction, où elle devra répondre des faits d’une gravité exceptionnelle. Le dossier, toujours en instruction, pourrait ébranler bien au-delà sa seule personne.

Un symbole de dérive systémique

Le cas Magalie Habitant est bien plus qu’un énième scandale individuel. Il symbolise la dérive d’un système où la prédation, l’impunité et la terreur se partagent les commandes de l’État. Lorsque la gestion publique se confond avec des intérêts criminels, c’est toute l’idée même de service à la nation qui vacille. Et derrière le nom d’une femme, c’est la faillite d’un modèle de gouvernance qui se donne à voir, dans toute sa brutalité.

Vant Bef Info (VBI)

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