L’impasse des promesses de déportation massive de Donald Trump

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Donald Trump a récemment réaffirmé son engagement en faveur de la déportation massive de migrants en situation irrégulière aux États-Unis. Lors d’un rassemblement à Aurora, Colorado, il a détaillé son plan, baptisé « Operation Aurora », visant à expulser entre 15 et 20 millions de migrants sans papiers. Ce plan prévoit l’invocation de pouvoirs d’urgence en temps de guerre, le recours aux réservistes militaires et l’octroi d’une immunité aux forces de police locales pour faciliter les expulsions.

Credit photo: Reuters

Retour de Trump et promesse controversée

Le retour de Donald Trump sur la scène politique américaine est marqué par une promesse radicale : la déportation massive de millions de migrants sans papiers présents aux États-Unis. Cependant, ce projet est perçu par plusieurs experts comme irréaliste et susceptible d’entraîner des conséquences économiques et morales graves pour le pays.

Une faisabilité économique et logistique questionnée
selon une étude de The Marshall Project, la mise en œuvre de la politique migratoire annoncée par Trump exigerait des moyens considérables en infrastructures et en personnel. Il faudrait notamment construire de nouveaux centres de détention et recruter des milliers d’agents dans les systèmes d’immigration et les tribunaux. Le coût estimé de l’opération pourrait atteindre plusieurs centaines de milliards de dollars, dépassant de loin le budget de certains ministères (The Marshall Project, 2024). Michael Kagan, politologue américain, estime que « le financement d’une telle opération serait une tâche presque insurmontable pour n’importe quelle administration, en raison des ressources humaines et des infrastructures nécessaires » (The New Republic, 2024).

Pour éviter les procédures légales actuelles, l’équipe de Trump envisage de s’appuyer sur l’Alien Enemies Act, une loi datant du XVIIIe siècle qui permet d’expulser les ressortissants de pays ennemis en temps de guerre sans procédure judiciaire. Néanmoins, David Bier, juriste au Cato Institute, souligne que cette loi n’a jamais été utilisée dans un tel contexte et que son application pourrait faire l’objet de recours juridiques (The New York Times, 2024).

Un coût humain et moral énorme
Le projet de déportation massive menace non seulement l’économie américaine mais aussi le tissu social du pays. De nombreux sans-papiers vivent aux États-Unis depuis des décennies, avec des enfants citoyens américains. La philosophe américaine Martha Nussbaum rappelle l’injustice d’une telle politique : « La déportation de masse porte atteinte aux droits individuels et inflige des souffrances inutiles à des personnes déjà vulnérables » (Politique de la Dignité, 2021). Cette mesure risquerait de séparer des familles, de laisser des enfants sans soutien, et de fracturer les communautés locales.

Par ailleurs, le American Immigration Council rapporte que les sans-papiers contribuent environ 96 milliards de dollars en taxes chaque année. Leur expulsion massive pourrait nuire à l’économie, en créant des pénuries de main-d’œuvre dans des secteurs essentiels tels que l’agriculture, la construction et la restauration. « L’impact économique d’une telle perte de main-d’œuvre serait catastrophique pour des industries dépendant de cette force de travail », avertit Vincent Michelot, politologue français (L’Amérique sous tension, 2022).

Une opposition politique et une société divisée
Enfin, cette politique suscite des clivages au sein de la société américaine, exacerbant des tensions déjà vives. Selon le philosophe et politologue Noam Chomsky, les politiques xénophobes renforcent le sentiment de division dans la population : « Le discours anti-immigration de Trump accentue les fractures sociales, créant un fossé entre “nous” et “eux” » (Requiem for the American Dream, 2020).

Face à une opposition grandissante, tant dans les États démocrates que chez certains républicains modérés, la faisabilité de cette politique reste incertaine. Des gouverneurs, comme Gavin Newsom en Californie, ont d’ores et déjà indiqué leur refus de collaborer à une politique de déportation de masse, arguant que cela détournerait des ressources des véritables enjeux de sécurité publique.

L’administration Trump, par cette promesse de retour à une politique d’immigration restrictive, se heurte à des obstacles pratiques, économiques et moraux qui rendent cette promesse largement irréalisable. Comme le souligne le sociologue français Didier Fassin, « la question de l’immigration aux États-Unis dépasse le cadre des politiques publiques ; elle est aussi un test moral pour une nation fondée sur des valeurs d’accueil et de diversité » (La question morale, 2022).
Ce projet de déportation massive reflète une vision punitive de l’immigration, dont le coût pourrait s’avérer bien plus élevé que les bénéfices escomptés.

Gandhi Stiverne Dorsonne
Vant Bef Info (VBI)

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