Le système : bouc émissaire universel d’une société en crise

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Dans toutes les sphères de la vie politique et sociale, un mot revient avec insistance : le système.
À la fois ennemi commun et justification ultime, il sert aujourd’hui de bouclier verbal pour des actes aux conséquences dramatiques pour le peuple haïtien. Politiciens, citoyens mobilisés ou criminels organisés : tous semblent s’accorder sur une seule chose — « C’est le système qui est coupable ».

Port-au-Prince, le 27 avril 2025._
Depuis longtemps, les politiciens invoquent le système pour justifier leurs combats.Ils dénoncent des élites corrompues, des structures sclérosées, des réseaux d’intérêts privés qui bloquent le développement du pays.
À chaque élection, la même promesse revient : « Changer le système », comme si ce changement seul pouvait guérir les blessures d’une nation.
En 2016, l’ex-président Jovenel Moïse promettait de changer le système.Quelques mois plus tard, ses opposants exigeaient sa démission… l’accusant à leur tour d’être le gardien du système.
Un paradoxe qui alimente un cercle vicieux sans fin.
Le cri du peuple… et ses désillusions
Dans les rues, les manifestants accusent eux aussi le système de trahir le peuple.Ils réclament la chute d’un président, la dissolution du parlement, la refondation des institutions.Derrière ces mobilisations, souvent légitimes, une quête : reconstruire un ordre plus juste.
Mais dans les faits, c’est encore et toujours le peuple qui paie le prix.
Souffrances, sacrifices, désillusions : la quête d’un changement insaisissable laisse derrière elle plus de blessures que de victoires.
Plus inquiétant encore, les gangs armés se sont approprié cette rhétorique.Pilleurs, kidnappeurs, assassins prétendent aujourd’hui agir au nom du peuple, contre un système corrompu.
À leurs yeux, leurs crimes seraient une lutte légitime.
Dans la réalité, ils plongent la population dans un chaos plus profond, faisant du peuple la première victime de ce combat prétendu.
Le système : miroir de notre responsabilité collective
Ce recours obsessionnel à « le système » révèle surtout une crise de responsabilité.En désignant un ennemi flou et impersonnel, chacun évite de reconnaître sa propre part de responsabilité.
Car au fond, qui est le système sinon nous-mêmes ?
Nos choix collectifs, les élites que nous élisons, les pratiques que nous tolérons, les injustices que nous acceptons.
Derrière cette accusation permanente se cache une immense hypocrisie :
Vouloir le changement sans vouloir se changer soi-même.
Tant que cette prise de conscience n’aura pas lieu, le système restera le coupable idéal et le peuple, éternel otage d’une guerre dont il ne récolte que les cendres.
Judelor Louis Charles
VANT BÈF INFO (VBI)