Le sociologue Mackenton Civilma décrypte le rêve américain
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Suite à notre article « Le rêve américain : une aspiration universelle », nous avons initié une série d’interviews pour permettre au public d’avoir l’avis d’experts et de professionnels dans différents domaines sur ce concept. Le sociologue Mackenton Civilma nous livre sa vision du rêve américain. VBI pour Vant Bèf Info et MC pour le sociologue Mackenton Civilma.
Port-au-Prince, le 19 juillet 2024.
VBI : Comment définissez-vous le concept du rêve américain et quelle est son importance dans la société haïtienne aujourd’hui ?
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MC : Le rêve américain (American dream en anglais) est l’idée selon laquelle n’importe quelle personne vivant aux USA peut devenir prospère par son travail, son courage, sa discipline et sa détermination. Ce concept de prospérité accessible à tous exerce une puissante fascination, principalement en raison de la capacité des États-Unis à diffuser leurs valeurs à l’échelle mondiale. Cette attraction résulte de divers facteurs et suscite des interprétations contrastées. En Haïti, comme dans beaucoup d’autres sociétés, le rêve américain symbolise l’idéal de réussite et de prospérité.
VBI : Quels sont les principaux défis auxquels les Haïtiens sont confrontés lorsqu’ils essaient de poursuivre le rêve américain aux États-Unis ?
MC : Pour vivre le rêve américain, il faut être motivé, rêveur, passionné, travailleur et ambitieux, mais aussi réaliste quant à la manière de vivre et de travailler des Américains. Les Haïtiens, attachés à leurs cultures et leurs mœurs, rencontrent des défis d’intégration et de mobilité sociale. Leur histoire en tant que peuple résilient mais parfois réticent à l’adaptation complique leur intégration dans une société américaine différente à bien des égards.
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VBI : Y a-t-il des différences significatives entre la perception du rêve américain en Haïti et celle observée aux États-Unis ?
MC : Absolument. Il y a souvent une grande différence entre la perception du rêve américain depuis Haïti et la réalité vécue aux États-Unis. En Haïti, beaucoup voient le rêve américain comme une promesse de stabilité économique et de prospérité. Cependant, une fois aux États-Unis, ils se heurtent souvent à des défis imprévus et à une intégration difficile, ce qui peut entraîner déception et désillusion.
VBI : Quel rôle jouent les médias et la culture populaire dans la construction du rêve américain pour les Haïtiens ?
MC : Les médias jouent un rôle crucial dans la société, influençant et reflétant la culture. En Haïti, les médias locaux et les médias américains influencent la perception du rêve américain. Les productions cinématographiques, littéraires et artistiques américaines, ainsi que les contributions scientifiques, façonnent cette image d’un pays d’opportunités. Les médias haïtiens relaient cette culture, contribuant à l’épanouissement de l’idéal américain parmi les Haïtiens.
VBI : Comment le rêve américain influence-t-il les aspirations éducatives et professionnelles des jeunes haïtiens ?
MC : Les jeunes haïtiens sont influencés par le rêve américain via les médias locaux et la diaspora haïtienne aux États-Unis. Ils perçoivent les États-Unis comme une société égalitaire et méritocratique. Cela incite beaucoup d’entre eux à aspirer à obtenir un diplôme dans une université américaine, espérant ainsi garantir une meilleure qualité de vie et de meilleures opportunités professionnelles que celles offertes en Haïti.
VBI : Existe-t-il une tension entre les valeurs traditionnelles haïtiennes et les idéaux du rêve américain ? Si oui, comment se manifeste-t-elle ?
MC : Oui, il existe une tension notable. Les valeurs traditionnelles haïtiennes, telles que le patriarcat, le communautarisme et la morale collective, contrastent avec l’individualisme prôné par le rêve américain. Par exemple, les pratiques éducatives et disciplinaires haïtiennes peuvent entrer en conflit avec les lois et les normes américaines. Cette dichotomie peut causer des conflits culturels et sociaux, mais la résilience des Haïtiens leur permet souvent de surmonter ces défis pour atteindre leurs objectifs de prospérité.
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VBI : Comment le concept du rêve américain est-il perçu à l’échelle mondiale dans les études sociologiques et quelles sont les principales critiques qui lui sont adressées ?
MC : Le rêve américain est largement critiqué pour ses inégalités. Bien que promettant la méritocratie, il est souvent inaccessible à tous en raison de disparités raciales, sociales et économiques. La pression pour réussir peut engendrer des problèmes de santé mentale, et l’accent mis sur la richesse matérielle favorise le consumérisme et des modes de vie insoutenables. L’individualisme exacerbé réduit les protections sociales et peut éroder les cultures locales, créant une forme d’impérialisme culturel.
Deslande Aristilde
Vant Bèf Info (VBI)