Le rôle des puissances étrangères dans l’instabilité haïtienne

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Dans les rues, les débats et les discours, une question revient sans cesse : les États-Unis sont-ils responsables des malheurs d’Haïti ? Selon le proverbe haïtien « Lafimen pa janm sòti san dife », nombreux sont ceux qui estiment qu’Haïti ne traverse pas cette crise seule, mais qu’elle est en partie le résultat de forces extérieures. Cette accusation ne se limite pas à Haïti : en Afrique aussi, la colère populaire a plusieurs fois visé les représentations diplomatiques américaines, accusées d’être complices du chaos.

Port-au-Prince, le 20 mars 2025. – Ces cinq dernières années, plusieurs ambassades et consulats américains ont été attaqués, vandalisés ou visés par des manifestations dénonçant l’ingérence de Washington dans les affaires internes de divers pays.

En Tunisie, le 6 mars 2020, deux kamikazes ont attaqué une patrouille de police près de l’ambassade américaine à Tunis, causant la mort d’une personne et blessant plusieurs autres. Cet attentat illustre un climat de défiance croissant envers les États-Unis dans la région. En pleine guerre civile au Soudan, en 2023, un convoi diplomatique américain a été attaqué à Khartoum. Malgré la condamnation de Washington, une partie de la population soudanaise a continué d’accuser les États-Unis d’attiser les tensions.

La même année, au Nigeria, un convoi du consulat américain a été attaqué dans l’État d’Anambra, entraînant la mort de quatre personnes et plusieurs enlèvements, renforçant l’image d’une puissance étrangère perçue comme indifférente aux souffrances locales. Plus récemment, le 28 janvier 2025, en République démocratique du Congo, des manifestations à Kinshasa ont ciblé plusieurs ambassades, dont celle des États-Unis. Les manifestants reprochaient à Washington son inaction face au conflit dans l’est du pays.

Ces événements montrent que les États-Unis ne sont pas toujours vus comme une force stabilisatrice, mais plutôt comme un acteur dont les décisions – ou l’absence d’action – peuvent aggraver les crises.

Une aide militaire bloquée et un soutien insuffisant pour Haïti

Si Washington prétend aider Haïti, les faits laissent planer le doute. Le 10 février 2025, les États-Unis ont livré à la Police nationale d’Haïti (PNH) un lot d’équipements d’une valeur de six millions de dollars, comprenant des véhicules blindés et 600 fusils. Pourtant, selon des sources policières, les clés des blindés ne leur ont pas été remises, limitant considérablement leur utilisation.

Dans un pays gangrené par l’insécurité, ce type de manœuvre suscite incompréhension et frustration. D’autant plus que les États-Unis ont fermé à plusieurs reprises leur ambassade à Port-au-Prince, invoquant l’insécurité, sans jamais réellement plaider en faveur d’un soutien massif et concret pour Haïti.

Alors qu’Haïti est négligé, Washington finance à coups de milliards la défense de l’Ukraine contre la Russie et celle d’Israël contre le Hamas. En décembre 2023, le Congrès américain a approuvé un plan d’aide de 60 milliards de dollars pour l’Ukraine et de 14 milliards pour Israël.

À titre de comparaison, Haïti n’a jamais reçu de véritables équipements militaires avancés ni le soutien stratégique accordé à ces autres nations. Bien qu’un cessez-le-feu ait été conclu en Israël et que le président Trump ait stoppé l’aide financière à l’Ukraine, cette différence de traitement nourrit un sentiment d’abandon en Haïti.

Alors que les gangs sèment la terreur et que l’État est impuissant, pourquoi les États-Unis, qui se présentent comme un allié d’Haïti, ne livrent-ils pas de véritables chars de guerre ou des armes lourdes pour aider à rétablir la sécurité ?

Haïti n’est pas le seul pays où la présence d’une puissance étrangère suscite des critiques. Plusieurs nations ont exprimé un sentiment de libération après le départ des forces américaines ou françaises.

En Afrique de l’Ouest, le Mali et le Burkina Faso ont célébré le retrait des troupes françaises, accusées d’inefficacité face aux groupes terroristes. Cette rupture a poussé ces pays à chercher de nouveaux partenaires, notamment la Russie et la Chine.

D’autres nations, comme le Venezuela, ont perçu le départ des États-Unis comme une opportunité d’affirmer leur souveraineté économique, bien que cela ait entraîné des sanctions et un isolement international.

Peut-on vraiment attribuer aux étrangers toute la responsabilité des malheurs d’Haïti ? Certainement pas. Si l’ingérence étrangère a joué un rôle dans les souffrances du pays, l’échec des dirigeants haïtiens, l’absence de réformes profondes et la corruption endémique sont aussi des causes majeures du désastre actuel.

Si certains pays ont réussi à se libérer du joug des grandes puissances, Haïti pourra-t-elle un jour prendre en main son propre destin sans dépendre des décisions étrangères ?

Belly-Dave Bélizaire
Vant Bèf Info (VBI)

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