Le cercueil avant l’âge : le destin tragique des membres de gangs en Haïti

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Il s’appelait peut-être James, ou Manno, ou Tyson. Un surnom arraché à un film d’action, un nom d’emprunt pour une vie volée. Il avait à peine vingt ans. Il portait un fusil plus grand que ses rêves. Et un matin, il a été exécuté. Non par la Police, non par un rival, mais par celui-là même qu’il appelait « chef ».

En Haïti, le destin d’un soldat de gang ne se lit pas dans les étoiles mais dans la poudre, les ordres hurlés à minuit, les regards lourds de suspicion. Un simple soupçon : une femme convoitée par le boss, une parole déplacée et un regard de trop peut suffire à signer un arrêt de mort. Pas de tribunal. Pas de défense. Un regard froid. Une décision. Une balle. Triste.
La scène est souvent filmée. À dessein. Le sang devient pédagogique. Le cadavre, un avertissement. Le chef, lui, parle à la caméra comme un justicier, affirmant l’avoir fait « pour l’exemple », « pour garder le contrôle », ou, ironie funèbre, « pour le bien du gang ». Derrière lui, les autres tremblent, silencieux. Ils savent qu’ils pourraient être les prochains. Ils sentent la mort qui rôde, pas très loin, toujours en veille.
Il n’y a rien d’héroïque dans cette guerre souterraine. Seulement des gamins usés trop tôt, tombés dans la spirale d’un pouvoir éphémère, d’une violence sans horizon. La plupart ont grandi dans des quartiers oubliés, sans école, sans lois, sans avenir. Ils ont choisi ou plutôt été happés par ce monde qui leur promettait tout, mais leur retire vite la vie.
Aujourd’hui, ils tombent sous les balles des brigadiers, des unités d’élite, des snipers inconnus, ou sous le feu de leurs propres frères d’armes. Parfois même, c’est un drone, froid, silencieux, venu du ciel, qui signe leur fin. D’autres fois, c’est le peuple, en colère, qui s’en charge, dans un déchaînement de fureur baptisé « Bwa Kale ».
Et dans cette mécanique infernale, leur mort passe souvent inaperçue. Pas de cercueil, pas de larmes sincères, parfois même pas de nom. Seulement un corps laissé là, dans la poussière, comme on jette un vêtement trop sale.
Dans le silence des ruelles ou le fracas des rafales, une vérité persiste : le destin d’un soldat de gang en Haïti est tragique, inéluctable, et souvent écrit bien avant sa naissance.
Wandy CHARLES
Vant Bef Info (VBI)