L’alcool et les jeunes : un cocktail à risque
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La consommation d’alcool chez les jeunes, un phénomène préoccupant en pleine expansion en Haïti, devient un véritable enjeu de santé publique.
Port-au-Prince, le 28 octobre 2024 – Dans les rues animées de la capitale, au coin des quartiers, l’alcool coule à flots, y compris pour les plus jeunes. Entre 16 et 25 ans, ils sont nombreux à tomber dans ce piège qui se traduit par une consommation excessive aux effets potentiellement dévastateurs sur leur santé physique et mentale. Un simple verre peut suffire pour déclencher des comportements à risques, et les conséquences se ressentent sur toute une génération.
L’impact sur la santé : des jeunes en danger
À la Commission Nationale de Lutte Contre la Drogue (CONALD), Marie Emica Jourdain EXCEUS, infirmière et directrice de la réduction de la demande, tire la sonnette d’alarme. « Lorsque l’alcool entre dans le cerveau, il peut rapidement désinhiber et entraîner des comportements incontrôlés », souligne-t-elle. Et les effets se manifestent de manière inquiétante : conduite sous l’influence, violences, rapports sexuels non protégés… autant de situations que Mme Jourdain voit se répéter chez les jeunes consommateurs.
L’association pour la Prévention de l’Alcoolisme et autres Accoutumances Chimiques (APAAC) partage cette préoccupation. Esther Lahens, responsable de la prévention, décrit un environnement saturé de tentations où l’alcool est omniprésent : soirées entre amis, rassemblements familiaux, fêtes de quartier. « Ce cadre social incite les jeunes à consommer sans véritable prise de conscience des risques de maladies comme celles du foie, ou des troubles de la concentration et de la digestion », affirme-t-elle.
Les raisons profondes : entre pression et désespoir
Les témoignages de jeunes, comme celui de Benoît Jamesley, 20 ans, en classe terminale, donnent un aperçu des réalités de cette génération. « Le pays ne nous offre rien, on boit pour oublier, ça devient une habitude », dit-il, les yeux résignés. Pour beaucoup, l’alcool est une échappatoire face à des problèmes personnels, des pressions scolaires, et des relations familiales tendues.
Sarah et Mardoché, deux autres jeunes, expliquent comment la fermeture de la bibliothèque Monique Calixte, un espace de refuge et de culture, a brisé une partie de leur élan éducatif. « Si la capitale proposait plus d’activités culturelles, peut-être que ce ne serait pas pareil », ajoute Sarah, soulignant le manque de loisirs constructifs comme facteur aggravant.
Un manque de cadre légal et de soutien
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) rappelle que l’alcool est responsable de millions de décès annuels dans le monde, touchant particulièrement les jeunes. Pourtant, malgré des conventions internationales comme la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CIDE), qui recommande la protection des jeunes contre les dangers de l’alcool, Haïti reste sans réglementation. Un projet de loi, voté en 2012 au Sénat pour interdire la vente d’alcool aux mineurs, n’a jamais été ratifié par la Chambre des députés.
Sans encadrement, sans options de loisirs ni perspectives d’avenir, les jeunes continuent de chercher des solutions temporaires, même au péril de leur santé. Il est temps que les autorités, la société civile, et les acteurs de santé publique unissent leurs efforts pour offrir à cette jeunesse des alternatives et une protection effective contre les dangers de l’alcool.
Likenton JOSEPH
Vant Bèf Info (VBI)