Inauguration des locaux du TPI à Delmas 75 : un symbole de justice sous la menace des gangs

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Dans un contexte marqué par l’insécurité et l’emprise croissante des gangs, le Conseil présidentiel de Transition (CPT) a inauguré ce lundi, les nouveaux locaux du Tribunal de Première Instance (TPI) de Port-au-Prince, désormais situés à Delmas 75. Si cette relocalisation est présentée comme une réponse aux défis sécuritaires, elle soulève une question fondamentale : la justice peut-elle fonctionner alors que l’État semble reculer face à la violence ?

Un transfert sous haute tension
Port-au-Prince, 31 mars 2025 – La cérémonie s’est déroulée en présence du coordonnateur du CPT, Fritz Alphonse Jean, des conseillers-présidents Leslie Voltaire et Emmanuel Vertilaire, du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, du ministre de la Justice Patrick Pélissier et du président de la Cour de Cassation Jean Joseph Lebrun. Un déploiement symbolique qui ne masque pas la réalité : déplacer un tribunal ne suffit pas à restaurer l’autorité de l’État ni à garantir la sécurité des magistrats et des justiciables.
Depuis plusieurs années, l’appareil judiciaire haïtien est sous pression. Juges et avocats sont contraints de fuir, la police manque de moyens et l’impunité règne. La relocalisation du TPI s’inscrit dans une tendance inquiétante : celle du retrait progressif des institutions publiques du centre de Port-au-Prince, devenu un bastion des groupes armés.
Une fuite plutôt qu’une solution ?
Le Tribunal de Première Instance avait déjà été déplacé en 2022 après des attaques de gangs au Bicentenaire. Aujourd’hui, ce nouvel exil vers Delmas 75 apparaît davantage comme un repli stratégique que comme une solution durable. La multiplication de ces relocalisations met en lumière l’incapacité des autorités à reprendre le contrôle de la capitale.
Le phénomène ne se limite pas à la justice : le Palais national, la Primature, ainsi que plusieurs ministères (Intérieur, Défense, Culture, Communication) ont déserté le centre-ville, laissant un vide institutionnel exploité par les groupes armés. Cette dynamique alimente le sentiment d’un État en déroute, incapable d’assurer ses fonctions essentielles.
Une justice paralysée
Alors que la population attend des mesures concrètes contre l’insécurité, ces déplacements successifs traduisent une impasse. En l’absence d’un plan de reconquête du territoire et de sécurisation des institutions, la justice reste entravée.
Les autorités haïtiennes sont désormais face à un choix crucial : poursuivre cette logique de repli ou engager une véritable stratégie pour restaurer l’ordre et la confiance des citoyens. Car une justice qui fonctionne sous la menace ne peut être qu’une justice affaiblie.
Mederson Alcindor
Vant Bèf Info (VBI)