Haïti : une Semaine Sainte profanée par l’horreur

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Par Wandy CHARLES

En Haïti, la semaine n’est plus sainte. Elle est sanglante, souillée, défigurée. Au lieu des processions solennelles, des cris de supplication ; au lieu des chants liturgiques, les rafales crépitent. Et l’odeur de l’encens a cédé la place à celle du sang.

Dans ce pays autrefois imprégné de foi et de traditions, la Semaine Sainte, jadis incarnation de recueillement et d’espérance, s’est muée en théâtre de l’ignominie. À Mirebalais, un être dégénéré, un forcenée s’amuse à jouer au ballon avec une tête humaine — mise en scène d’une barbarie glaçante, qui témoigne de l’effondrement absolu du sens moral. Que reste-t-il de l’humain quand même la dépouille d’un mort devient objet de dérision ?

Dans une église — ultime sanctuaire du sacré — des fidèles, contraints, humiliés, scandent sous la menace des mots impies. Le sanctuaire est profané, l’autel piétiné, « Dieu » pris en otage dans sa propre maison.

À Kenscoff, la turpitude d’agents supposés maintenir l’ordre les pousse vers un guet-apens sordide, piégés par leur propre lubricité. Cette police-là, désarmée de toute stratégie, semble ne plus connaître que deux postures : le déni ou l’attentisme — posture d’autant plus révoltante que l’État vacille, que les criminels prospèrent et que la population agonise.

Les images circulent. Elles ne laissent place à aucun doute. Elles révulsent, elles attristent, elles enveniment la conscience collective. Le pays plonge, inexorablement, dans un abîme sans fond, comme aspiré par la gravité de son propre désespoir.

Plus rien ne semble sacré. Ni l’église, ni la vie, ni même la Semaine Sainte. Les territoires perdus s’amoncellent, les tentacules des bandits étouffent les dernières poches de dignité. À Mirbalais, ils paradent, imposent leur loi, ridiculisent la République. Le pouvoir, amorphe, ne s’indigne même plus ; il regarde ailleurs, accablé d’un silence coupable.

Comment a-t-on pu en arriver là ? Que vaut un pays qui ne tremble plus face à l’horreur ? Quand les criminels dictent la liturgie et que les autorités se contentent d’abdiquer, la nation n’est plus qu’une fiction, un cadavre en sursis.

Il ne s’agit plus de dénoncer. Il s’agit de réveiller. Car le seuil de l’indicible est déjà franchi. Et si même la Semaine Sainte peut être crucifiée, alors c’est toute une nation qu’on a mise en tombe.

Mais encore faut-il des vivants pour espérer la résurrection…

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