Haïti : un référendum fantôme, un avenir incertain

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Par Wandy CHARLES

Le 11 mai 2025, Haïti aurait dû vivre une journée historique. Un référendum constitutionnel était annoncé, promis à grand renfort de déclarations médiatiques par le Conseil présidentiel de Transition (CPT). Pourtant, en ce jour symbolique, aucun bureau de vote n’a ouvert ses portes. Et le lendemain, aucune perspective concrète ne se dessinait à l’horizon. L’échéance est passée dans le silence et l’indifférence, révélant au grand jour l’impasse politique et institutionnelle dans laquelle le pays s’enlise.

En janvier dernier, devant les caméras de TV5 Monde, le conseiller Leslie Voltaire, alors président du CPT, évoquait avec assurance la date du 11 mai pour la tenue du référendum, suivi d’élections générales en novembre de cette année. Trois mois plus tard, ni cadre légal, ni campagne d’information, ni calendrier officiel n’étaient publiés. Le Conseil électoral provisoire (CEP), censé piloter le processus, s’est dit non informé de cette échéance, dénonçant une absence totale de coordination avec l’exécutif. Le président du CEP, Patrick Saint-Hilaire, a rappelé que son institution avait soumis un projet de référendum et de budget, resté sans suite. Le flou institutionnel est total.

Mais plus grave encore que ce désordre administratif, c’est l’état du pays qui rend tout scrutin irréalisable. Port-au-Prince est livrée aux gangs. Des pans entiers du territoire échappent au contrôle de l’État. La population, traumatisée, déplacée, assiégée, réclame avant tout la sécurité, et non des bulletins de vote. Comment organiser un référendum alors que l’on ne peut même pas garantir la libre circulation dans la capitale ? Comment mobiliser des citoyens sous la menace permanente des armes ?

À cette défaillance sécuritaire s’ajoute un non-dit juridique : la Constitution de 1987 interdit le référendum en matière constitutionnelle. L’article 284-3 le stipule clairement. Organiser un tel processus dans ces conditions aurait relevé, au mieux, de l’improvisation politique, au pire, d’une dérive institutionnelle.

Il est donc peu surprenant que le référendum ait été abandonné sans annonce officielle. Ce qui surprend, c’est l’absence de mea culpa, l’indifférence des dirigeants ayant pris sur eux la responsabilité d’organiser le referendum et doter le pays d’élus d’ici novembre 2025. Le CEP, comme le CPT, se renvoie la balle. Aucun calendrier alternatif n’a été adopté. Aucune consultation nationale n’a été lancée. Aucune pédagogie politique n’est entreprise pour redonner confiance à une population désabusée.

L’échec du référendum du 11 mai 2025 symbolise les difficultés de la transition qui peine à se définir, à s’ancrer dans le réel et à répondre à l’urgence nationale. Haïti est suspendue dans le vide, sans institutions légitimes, sans feuille de route claire, et sans volonté affirmée de rompre avec les pratiques du passé. Alors que le CPT a été créé pour sortir le pays de la paralysie institutionnelle.

Il reste moins de neuf mois au Conseil présidentiel de transition pour agir. Neuf mois pour restaurer un minimum de sécurité, garantir les droits fondamentaux, et offrir à la nation un horizon électoral crédible. Neuf mois pour faire mentir ceux qui affirment que, sous les lambeaux d’une transition inclusive, Haïti poursuit sa dérive.

L’histoire ne retiendra pas les excuses ni les arguties juridiques. Elle retiendra les actes ou leur absence. Faute de sursaut, le référendum du 11 mai ne restera pas seulement une date manquée : il marquera peut-être le point de non-retour d’un État déjà trop longtemps en faillite.

Vant Bef Info (VBI)

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