Haïti : l’État impuissant ou complice face à l’emprise des gangs sur Mirebalais ?

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La commune de Mirebalais traverse une période de chaos sans précédent. Depuis plusieurs jours, les groupes armés de la coalition « Viv Ansanm » ont établi leur domination sur la zone, plongeant la population dans un climat de peur constante. Des milliers de résidents ont été contraints de fuir, tandis que les autorités, attendues pour intervenir avec fermeté, demeurent silencieuses. Une attitude qui alimente colère, frustration et interrogations.

Une ville prise en otage, un État aux abonnés absents

Les images en provenance de la ville natale de Charlemagne Péralte dressent un tableau alarmant : les rues sont désertes, les écoles et commerces ont fermé leurs portes, les hôpitaux peinent à répondre à l’urgence. Les chefs de gang Wilson Joseph, alias « Lanmò san jou », et Jeff Larose, surnommé « Jeff Gwo lwa », ont même diffusé des vidéos dans lesquelles ils exhibent leur pouvoir sur la commune. Malgré cette démonstration de force, les autorités locales apparaissent débordées, voire invisibles dans plusieurs quartiers. Le commissariat de Mirebalais, pourtant ciblé à maintes reprises, n’a bénéficié d’aucun renfort notable.

« Depuis le début des violences, aucune aide n’est venue », témoigne un habitant hébergé dans une école reconvertie en centre d’accueil. Il dénonce l’inaction de l’État, qui aurait laissé Mirebalais tomber, à l’instar d’autres localités désormais sous contrôle des bandes armées.

Désorganisation ou connivence ?

Dans ce contexte, une question cruciale se pose : l’État haïtien est-il simplement dépassé, ou certaines complicités expliqueraient-elles ce laisser-faire ? Un habitant évoque même une possible volonté politique d’entretenir l’instabilité dans cette région autrefois touristique.

Un politologue, qui a requis l’anonymat, estime que la situation ne s’explique pas uniquement par un manque de ressources. Selon lui, des liens opaques entre figures politiques et groupes armés pourraient être à l’origine de la montée en puissance des gangs dans plusieurs régions du pays.

Une population à bout, livrée à elle-même

Pendant ce temps, les habitants de Mirebalais subissent de plein fouet les conséquences de cette crise sécuritaire. Les écoles restent fermées, les marchés sont à l’arrêt, les déplacements deviennent périlleux et les soins de santé pratiquement inexistants. La commune, déjà affaiblie par une profonde crise humanitaire et économique, vit désormais dans la terreur quotidienne.

« On a été abandonnés par l’État. Les gangs contrôlent tout. On fuit sans rien, et même les blessés ne peuvent être soignés », confie une mère de famille, réfugiée depuis plusieurs jours avec ses enfants sous des abris de fortune.

Malgré les appels désespérés de la population, ni la Police nationale d’Haïti (PNH) ni les autorités centrales ne semblent en mesure de rétablir l’ordre. Le Conseil présidentiel de transition, nouvellement installé pour guider le pays vers une sortie de crise, reste silencieux face à l’urgence que traverse Mirebalais.

L’avenir proche de la ville demeure incertain. La force multinationale censée venir en soutien à la sécurité, bien que promise, n’est toujours pas déployée sur le terrain. Pour beaucoup, elle représente désormais le dernier espoir d’un retour à la normale.

En attendant, les habitants tentent de survivre dans des conditions précaires, alors que le silence prolongé de l’État continue d’alimenter un profond sentiment d’abandon et de renforcer l’hypothèse d’un pouvoir soit dépassé, soit complice.

Jean Gilles Désinord
Vant Bèf Info (VBI)

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