Haïti: L’État face à la perte de contrôle de ses frontières

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En Haïti, la question de la sécurité des frontières est devenue une préoccupation majeure. Les frontières terrestres et maritimes, qui devraient être sous la protection et le contrôle stricts de l’État, sont désormais exploitées par des entités criminelles, notamment des gangs et des contrebandiers, révélant une faiblesse préoccupante du gouvernement dans la gestion de ces zones stratégiques.

Traditionnellement, les frontières d’un pays sont protégées par son armée et surveillées par des
entités telles que les douanes pour contrôler les flux entrants, la Police et les services d’immigration. Cependant, en Haïti, ces structures de sécurité sont très affaiblies par rapport à la montée en puissance des gangs. Profitant de la fragilité de l’État, ces groupes criminels
utilisent les frontières, souvent de manière incontrôlée, pour leurs activités illicites, telles que le trafic de drogue, d’armes, de munitions, le trafic d’organes et la traite des personnes.

Les gangs ne se contentent plus seulement de contrôler des territoires urbains ; ils ont étendu leur influence jusqu’aux mers. Ils possèdent désormais leurs propres bateaux, construisent des ports clandestins pour faciliter leurs opérations et contrôlent certains ports privés. À plusieurs reprises, des incidents de kidnapping et de détournement de marchandises ont été signalés en
mer, ce qui témoigne du dysfonctionnement alarmant de la marine haïtienne, incapable de protéger les eaux territoriales.

Les gangs ne sont pas les seuls à profiter de cette situation. Les contrebandiers en complicité avec les gangs, eux aussi, exploitent les lacunes de l’État pour faire entrer des marchandises en provenance de la République dominicaine sans déclaration douanière, privant ainsi le pays de revenus fiscaux cruciaux. Ces marchandises, souvent importées en transit, ne sont jamais officiellement enregistrées sous le régime de la consommation, ce qui empêche les douanes de les taxer adéquatement. Certains contrebandiers n’hésitent pas à collaborer avec les gangs pour faire pénétrer illégalement des marchandises de toutes sortes sur le territoire haïtien.

La République dominicaine et Haïti partagent quatre (4) points frontaliers officiels : Ouanaminthe Belladère, Malpasse, Anse à Pitre. Si dans le passé, ce sont les points non officiels, non surveillés, qui posaient des problèmes à l’Etat, aujourd’hui les points officiels à l’exception de Ouanaminthe, constituent un véritable défi occasionnant l’intensification des activités de contrebande et d’autres trafics illicites. La vulnérabilité de ces zones illustre à quel point l’État haïtien a perdu le contrôle de ses frontières, incapacité qui n’est pas seulement une
question de sécurité nationale, mais aussi une perte économique significative pour le pays.

Pour inverser cette tendance, il est impératif que l’État renforce sa présence et ses capacités de
surveillance aux frontières. Aujourd’hui, suivant les informations recueillies et les constats de plus d’un, il n’y a pas de synergie réelle et effective entre les agents de la Polifront et les agents des douanes travaillant sur la frontière terrestre. Et souvent, on reproche aux agents de la Polifront d’être du côté des contrebandiers pour des raisons inavouées et inavouables.

Ainsi, une coopération internationale, notamment avec la République dominicaine, devrait être engagée en vue de contrôler et de sécuriser les différents points de passage frontalier. Mais, la première étape consiste en une prise de conscience collective de l’urgence de la situation et la
volonté politique de restaurer l’autorité de l’État. Haïti ne pourra se relever de ses défis économiques et sécuritaires que si elle parvient à restaurer son contrôle sur ses
propres frontières.

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