Haïti : le CLIO alerte sur une crise hors de contrôle

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Le Cadre de Liaison Inter-Organisations (CLIO), regroupant plusieurs ONG humanitaires qui opèrent en Haïti, alerte sur une situation de plus en plus critique. Tandis que Port-au-Prince est quotidiennement secouée par des affrontements meurtriers, la violence armée s’étend désormais aux départements du Centre et de l’Artibonite. Des villes comme Mirebalais, Hinche, Lascahobas, Saint-Marc, Petite-Rivière ou Verrettes sont à leur tour les cibles d’attaques sanglantes.

Port-au-Prince, 28 mai 2025 .—
Plus de 66 000 personnes ont déjà été contraintes de fuir leurs domiciles. Réfugiées dans des écoles, des églises ou chez des proches, elles vivent dans des conditions précaires, sans accès suffisant à l’eau potable, aux soins ou à une quelconque protection. À Mirebalais, près de 93 % des personnes déplacées interrogées ont rapporté des cas d’assassinats, de disparitions, de menaces physiques ou de violences sexuelles dans leurs localités d’origine. Plus de 60 % des enfants ayant fui les violences ne sont plus scolarisés.
À Kenscoff et Furcy, deux importantes zones agricoles, plus de 3 000 habitants ont également fui. Les infrastructures sont paralysées, l’accès humanitaire est quasi impossible, et les récoltes détruites à plus de 65 %. Port-au-Prince, fortement dépendante de ces zones pour son approvisionnement, fait face à une menace sérieuse de pénurie alimentaire.
Dans la capitale, la situation est explosive. Des quartiers comme Delmas, et Pétion-Ville, jusque-là relativement épargnés, sont désormais sous la menace. Entre janvier et mars 2025, plus de 1 600 personnes ont été tuées et 750 blessées. Au 4 avril, plus de 89 000 déplacés internes vivaient dans une extrême précarité, répartis sur 87 sites à travers la métropole. Certains quartiers, comme Carrefour-Feuilles ou Saint-Martin, sont vidés de leurs habitants, tandis que d’autres, tels Bellevue-Chardonnière, accueillent un nombre croissant de déplacés.
L’accès humanitaire est gravement entravé. Les ONG peinent à intervenir, souvent bloquées par les combats ou exposées aux tirs croisés. Une personne déplacée ne reçoit en moyenne que trois litres d’eau par jour, loin des quinze litres recommandés en situation d’urgence. Les services de santé et de protection sont débordés et incapables de répondre à la demande. Les financements humanitaires, eux aussi en baisse, forcent les ONG à réduire leurs opérations.
Le CLIO appelle les groupes armés à respecter l’espace humanitaire et à garantir la sécurité des civils et du personnel humanitaire. Il exhorte les autorités à prendre leurs responsabilités pour protéger la population et faciliter l’accès aux zones touchées. Les partenaires humanitaires doivent renforcer la coordination de leurs actions, tandis que les bailleurs de fonds sont appelés à débloquer d’urgence des ressources flexibles pour soutenir les interventions.
Le CLIO rappelle que les ONG humanitaires travaillent selon les principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance. Les prendre pour cibles revient à priver les populations les plus vulnérables de leurs seuls moyens de survie. Une telle atteinte constitue une violation grave du droit international humanitaire.
Mederson Alcindor
Vant Bèf Info (VBI)