Haïti : l’art de réussir avec moins de 50 dollars

Getting your Trinity Audio player ready...
|
Dans les quartiers animés de Port-au-Prince comme dans plusieurs villes de province, une nouvelle vague d’entrepreneuriat prend forme. Elle est portée par une jeunesse audacieuse, inventive et résiliente. Malgré un taux de chômage élevé, l’insécurité croissante et un accès quasi inexistant au crédit, de nombreux jeunes parviennent à créer leurs propres activitée avec moins de 50 dollars en poche.

Julia, 24 ans, raconte comment elle a lancé son commerce avec seulement 2 500 gourdes haïtiennes, soit un peu moins de 20 dollars américains. Elle a d’abord investi dans quelques produits cosmétiques qu’elle vendait dans son quartier, avant de parcourir les rues avec ses marchandises à la main.
« J’avais juste 2 500 gourdes. Je ne savais pas exactement quoi faire, mais l’idée m’est venue et j’ai agi », confie-t-elle. Aujourd’hui, elle affirme que la valeur de son stock dépasse les 25 000 dollars américains et qu’elle accorde même du crédit à de petites marchandes.
René, quant à lui, a commencé avec 7 500 gourdes. Il vendait des accessoires téléphoniques — écouteurs, chargeurs, cartes de recharge — dans les rues de Port-au-Prince. À l’époque, il venait tout juste d’arriver de province et était en classe de secondaire I au Lycée Horatius Laventure.
« À ce moment-là, la ville me paraissait un enfer. Mes parents étaient restés en province. Je faisais cette activité uniquement pour manger, je ne pensais pas devenir entrepreneur », se souvient-il.
Après avoir terminé ses études classiques en 2022, il décide de s’inscrire à l’université en gestion. En parallèle, il donne des cours de mathématiques dans plusieurs écoles afin de financer ses études. Ce parcours lui a permis de transformer ses débuts modestes en un petit magasin où il vend aujourd’hui des téléphones, en gros comme au détail.
L’ingéniosité comme capital de départ
Dans un pays où moins de 1 % des jeunes ont accès aux prêts bancaires, la débrouillardise devient un véritable capital. Junia, 23 ans, a changé sa vie en vendant des bocaux de mamba.
« Avec 2 500 gourdes, j’ai acheté deux marmites de pistache et les ingrédients nécessaires pour commencer. Je les ai vendus dans le quartier », raconte-t-elle. Aujourd’hui, ses produits sont disponibles dans plusieurs supermarchés de la capitale. Elle possède même son propre moulin, qu’elle loue à d’autres producteurs.
Les réseaux sociaux comme TikTok, WhatsApp ou Facebook jouent également un rôle crucial dans cette dynamique. Ils servent de vitrines gratuites, permettant à ces jeunes de toucher un large public sans bouger de chez eux.
Pour l’économiste Jérôme Pierre-Louis, entreprendre en Haïti relève presque d’un acte de résistance. « Dans un contexte aussi difficile, ces jeunes prouvent que l’innovation et le courage peuvent faire germer l’espoir, même sur un sol aride », affirme-t-il. Il encourage vivement la jeunesse à continuer à s’investir, malgré les obstacles.
Jean Gilles Désinord
Vant Bèf Info (VBI)