Haïti : la menace terroriste redéfinit les contours de la crise sécuritaire

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La désignation des coalitions armées Viv Ansanm et Gran Grif comme organisations terroristes étrangères par les États-Unis marque un tournant décisif dans la perception internationale de la violence en Haïti. Selon un rapport du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH), publié quatre jours après cette décision, le pays fait désormais face à une crise de nature terroriste, bien au-delà de la criminalité urbaine classique.

Port-au-Prince, 6 mai 2025 – Ces groupes armés, structurés comme de véritables entités paramilitaires, contrôlent des pans entiers du territoire national, imposent leurs autorités aux populations et défient ouvertement l’État. Le CARDH note une montée en radicalité, accompagnée de méthodes d’intimidation systématique : attaques ciblées contre des institutions, enlèvements, incendies de commissariats et d’hôpitaux — autant d’actions qui s’inscrivent dans une logique de pouvoir fondée sur la peur.
Un cadre légal national encore inexistant
Cette transformation du paysage sécuritaire survient alors que l’arsenal juridique haïtien demeure inadapté. Si un décret sur le financement du terrorisme a été adopté en 2023, le pays ne dispose toujours pas d’une loi définissant clairement ce qu’est un acte terroriste. Une lacune que le CARDH considère comme un frein majeur à toute réponse efficace.
Une grille de lecture imposée de l’extérieur
Dans ce vide institutionnel, les États-Unis appliquent leur propre cadre d’analyse. En s’appuyant sur leurs lois fédérales et les pouvoirs du département d’État et de l’OFAC, Washington impose des sanctions extraterritoriales : gels des avoirs, interdictions de transactions, poursuites contre complices présumés. Pour le CARDH, cette approche, certes musclée, présente aussi un risque idéologique.
« En plaçant Haïti dans la même catégorie que les talibans, les FARC ou les cartels mexicains, les États-Unis appliquent une logique globale à une réalité locale complexe », souligne le rapport.
Le centre de recherche met en garde contre un effet boomerang : stigmatisés comme terroristes, certains groupes pourraient chercher un appui auprès de réseaux jihadistes ou criminels transnationaux, aggravant ainsi une crise déjà hors de contrôle.
Un État défaillant, un terreau fertile pour la violence
La racine du problème demeure l’effondrement progressif des institutions haïtiennes. La police nationale, sous-équipée, peine à contenir les exactions. La justice est désorganisée. Et la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), censée soutenir les forces de l’ordre, n’a toujours pas trouvé son rythme de croisière.
Pendant ce temps, les gangs se renforcent et étendent leur influence. Le CARDH conclut que la désignation de ces groupes comme terroristes, sans accompagnement structurel, risque de produire l’effet inverse de celui escompté.
« Haïti n’a plus droit à l’erreur. Sans une refondation urgente des institutions sécuritaires et judiciaires, la terreur risque de s’ancrer durablement dans le quotidien des Haïtiens », avertit le rapport.
Belly-Dave Bélizaire
Vant Bèf Info (VBI)