Haïti-Investissement : Le Centre financier international de l’île de la Gonâve continue d’attirer l’attention des intellectuels
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Port-au-Prince, le 3 mars 2016.- Dévoilé par des parlementaires et anciens parlementaires au cours d’une émission radiophonique, le décret du 7 janvier 2016 continue de faire des vagues. Hommes politiques et juristes, entre autres, n’ont pas cessé de passer au crible ce décret afin de livrer au public leur compréhension du centre financier de la Gonâve. Ils n’ont pas raté la moindre occasion pour solliciter l’intervention du parlement afin de déceler ce qui paraît meilleur pour le pays à travers ledit décret.
Texte intégral
Le Décret du 7 Janvier 2016 créant le Centre Financier International de l’île de la Gonâve :
Entre conflit de Droit Bancaire et Indépendance maquillée
en autonomie
Le Centre Financier International de l’île de la Gonâve au regard du Droit Administratif Haïtien est un organisme autonome rattaché au ministère de l’économie et des finances (MEF). En effet, l’article premier du Décret du 7 Janvier 2016 lui confère l’autonomie financière et la personnalité juridique nécessaire pour son fonctionnement. En tant qu’organisme autonome du MEF, le titulaire de cette dernière est d’office le Président du conseil d’administration du Centre Financier International en vertu de l’article 9 dudit décret qui limite son conseil d’administration à 4 membres.
Si vous n’êtes pas familiers avec le jargon juridique, cette comparaison classique vous permettra d’avoir une idée du type d’institution qu’est le « CFIG ».
Au point de vue juridique, ce centre financier international a le même statut que l’Organisme du Développement de la Vallée de l’Artibonite (ODVA). A côté des différences économiques et des prérogatives accordées au CFIG, les deux (ODVA, CFIG) sont perçus comme des organismes dont la mission est le développement d’une région géographique bien spécifique. Le premier avait la responsabilité de faciliter le développement de la vallée de l’Artibonite en ce qui a trait à l’agriculture, l’incitation à la production nationale, à l’agro-industrie entre autres. Le second a pour mission de contribuer au développement économique de l’île de la Gonâve et du pays tout entier, d’intégrer le pays dans le marché des services financiers internationaux extra-territoriaux.
Le CFIG comprend deux fonctionnaires ayant rang de Directeur Général, 10 directions, avec possibilité d’en augmenter le nombre dépendamment du vœu du Conseil d’Administration selon ce qui est prescrit aux articles 25 et 41 du décret susmentionné, 5 unités (Arts 24 et 40). Chaque direction se divise en sections. Durant ses premiers moments de fonctionnement, il sera supporté par le budget national car selon le décret, pendant les trois premières années du centre son Budget sera financé par le trésor public (art 45). Sur trois ans un projet comme tel ne pourra pas répondre aux dépenses qui résulteraient de son budget de fonctionnement car il n’y a pas d’infrastructures disponibles sur l’île de la Gonâve pouvant attirer l’investissement nécessaire en vue de son autonomie financière sur une période de 3 ans, à moins qu’il existerait une quantité excessive de ressources dans le sous-sol des 100 km2 où sera implanté le Centre (art 5). Donc, à la manière de l’ODVA, le CFIG pourrait devenir une charge pour l’Etat Central au lieu de s’ériger en un espace de créations de richesses pour l’Administration Fiscale, nomination sur nomination, augmentation des dépenses de l’État.
Ce décret est une épée qui frappera sur la santé financière et économique de la République d’Haïti, car certaines clauses exorbitantes de droit commun sont prorogées par des dispositions du décret.
Premièrement, le décret crée un autre régime de fiscalité en précisant en son article 54 que les organes et les employés du Centre ne sont pas assujettis au paiement d’impôts, aux droits de douane ou à toutes autres impôts se rapportant à leurs activités au sein du Centre et du District financier. Deuxièmement, il écarte toutes les possibilités de contrôle et d’inspection exercées par la Banque de la République d’ Haïti sur les institutions bancaires et commerciales établies sur le Centre.
À cet effet, il est important de rappeler que le décret du 14 Novembre 1980 règlementant le fonctionnement des banques et des activités bancaires qui confère à la Banque de la République d’Haïti un droit de contrôle des banques ayant pour loi organique la loi du 17 Août 1979, est d’une source supérieure aux dispositions règlementaires.
Somme toutes qu’à l’article 11 et suivants du décret précité, il est confirmé que la BRH a le plein pouvoir en matière d’autorisation et de fonctionnement des Banques sur le territoire de la République d’Haïti, ce pouvoir a été reconfirmé par d’autres instruments normatifs récents comme la loi du 9 juillet 2002, De ce fait, ce pouvoir a une racine légale qui est devenu constitutionnel depuis l’avènement de la Constitution de Mars 1987 en ses articles 224 à 226, et ne saurait être prorogé par un décret.
A l’étonnement de plus d’un et à l’intention commandée de tous ceux et celles qui ont participés à l’élaboration de ce document s’érigeant en instrument supra constitutionnel, son article 76 portant sur le contrôle des banques globales d’investissement donne une disposition contraire aux prérogatives légales et constitutionnelles attribuées à la Banque de la République d’Haïti en précisant que la Commission Financière du Centre contrôle et supervise les banques de manière indépendante. Est-ce l’idée de création d’une résidence fiscale qui se cache derrière ce décret ou l’idée de création d’autres sources pour envenimer la corruption dans le pays?
Tous les avoirs et toutes les opérations établis sur le District Financier seront exemptés de tout contrôle de la Banque Centrale. Une fois avoir le contrôle du District financier, il sera très facile de blanchir des avoirs provenant de n’importe quelles sources pour la simple et bonne raison que ce District est placé comme une super puissance à côté de l’existence déjà d’une banque centrale dans le pays. Donc, inconcevablement, ce sera l’existence de deux (2) Banques Centrales, l’une sur les 100 Km2 de l’île de la Gonâve, l’autre à la Rue du Quai. Qu’adviendra ce Centre au regard du Blanchiment des avoirs?
Haïti est une république, indivisible, souveraine, indépendante, coopératiste, libre, démocratique et sociale retrouvée à l’article 1er de la loi mère du pays. Malgré son existence semble être de plus en plus idéelle aujourd’hui, nous devons quand même combattre pour qu’elle soit effective au lieu de contribuer à la rendre plus compromettante. Car La Gonâve pourrait devenir incontrôlable et même un danger pour la stabilité financière du pays. Le Parlement aujourd’hui aussi illégitime que soit-il, doit penser sur le sort et l’avenir de ce décret dans le Droit Haïtien en vue de permettre que le gagnant soit Haïti, le Peuple Haïtien et en particulier les plus défavorisés.
Lacks-Guvens CADETTE
Juriste
lacksguvens@yahoo.fr
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