Haïti face à son passé : Pourquoi l’histoire se répète encore et encore

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Haïti semble condamnée à revivre le même cycle infernal de crises politiques, de promesses avortées et de transitions inachevées. Chaque nouveau gouvernement hérite d’un pays en ruine, miné par la corruption, l’instabilité et l’ingérence. Mais cette crise permanente est-elle une fatalité ? Ou Haïti est-elle tout simplement prisonnière d’un passé politique jamais assumé ?

Port-au-Prince, le 25 mars 2025._
Depuis son indépendance en 1804, Haïti a été le théâtre de luttes de pouvoir sanglantes. La guerre entre Henri Christophe et Alexandre Pétion, la chute de Jean-Pierre Boyer, les révoltes paysannes contre l’ordre établi… L’histoire du pays est jalonnée de conflits où les intérêts personnels ont souvent pris le pas sur le bien commun.
Le 20ᵉ siècle a poursuivi cette tradition, avec une succession de coups d’État, de dictatures et d’interventions étrangères. L’occupation américaine (1915-1934) a redessiné les lignes du pouvoir, consolidant une élite économique au détriment des masses populaires. La dictature des Duvalier (1957-1986) a ensuite verrouillé le pays dans un système de répression et de clientélisme, dont les effets se font encore sentir aujourd’hui.
Des accords politiques toujours trahis
Depuis la chute de Jean-Claude Duvalier en 1986, Haïti a multiplié les accords politiques pour tenter de sortir de l’impasse. Pourtant, aucun n’a réellement permis une stabilité durable.
D’abord, l’accord de 1993 entre Jean-Bertrand Aristide et les militaires, sous l’égide des Nations unies, s’est effondré sous la pression des forces hostiles au retour de l’ordre constitutionnel. L’armée a continué d’imposer son autorité jusqu’à l’intervention américaine de 1994.
Ensuite, l’accord de 2004, qui a suivi le départ précipité d’Aristide, a ouvert la voie à une instabilité chronique marquée par des gouvernements de transition fragiles. L’espoir d’une démocratie stable s’est vite évaporé face aux contestations incessantes et aux luttes entre factions politiques.
Plus récemment, l’accord de Montana, censé offrir une sortie de crise après l’assassinat de Jovenel Moïse, a été éclipsé par la mise en place d’un Haut Conseil de Transition sans consensus clair. Une fois de plus, les ambitions politiques ont pris le dessus sur la nécessité de restaurer la confiance du peuple haïtien.
Des transitions inachevées et un État en faillite
Les tentatives de transition démocratique en Haïti ont souvent avorté, laissant place à des régimes précaires où le pouvoir est contesté dès son installation. L’État haïtien, rongé par la corruption et l’impunité, ne parvient plus à jouer son rôle de garant de la stabilité.
Aujourd’hui, les institutions sont à l’agonie. L’insécurité s’étend, les gangs dictent leur loi, et la population, exsangue, regarde avec méfiance une classe politique incapable d’apporter des solutions. Faut-il alors s’étonner que la diaspora perde espoir ? Que les jeunes rêvent d’exil plutôt que d’engagement citoyen ?
Sortir de ce cycle infernal nécessite bien plus qu’un énième accord politique. Il faut une refonte totale du système, une rupture avec les pratiques du passé et une volonté réelle d’inclure le peuple dans les décisions majeures.
Haïti n’est pas condamnée à l’échec, mais elle doit cesser d’être prisonnière de son histoire. L’heure n’est plus aux discours vides, mais à une refondation en profondeur. Sinon, l’avenir ne sera qu’une répétition du passé… avec toujours plus de souffrance et de désillusion.
Yves Manuel
Vant Bèf Info (VBI)
Question compliquée
Réponse simple : L’histoire est un perpétuel recommencement.