Haïti face à l’insécurité : le BINUH, un simple observateur sous couvert de rapports ?

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Pendant que les balles sifflent, que les familles fuient, que les écoles ferment et que les hôpitaux suspendent leurs services, le Bureau
Intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) poursuit, inlassablement, sa mission d’observation. Tous les trois mois, ses rapports détaillés sur l’insécurité sont transmis au Conseil de sécurité de l’ONU… mais sur le terrain, la population haïtienne attend toujours des actions concrètes.

Port-au-Prince, le 9 avril 2025._Depuis sa création en 2019, le BINUH se présente comme un organe d’appui à la stabilité d’Haïti. Pourtant, pour de nombreux citoyens et observateurs haïtiens, ce bureau onusien s’apparente davantage à un centre de documentation qu’à un levier de solution. Des rapports, encore des rapports, toujours des rapports — pendant que les gangs élargissent leur emprise et que l’État perd le contrôle de pans entiers du territoire national.
« Le BINUH nous livre des statistiques que nous connaissons déjà. Ce que les Haïtiens attendent, ce sont des actes, pas des bulletins d’information », fulmine un activiste de la société civile de Carrefour.
Un mandat flou, un rôle ambigu
Le BINUH insiste souvent sur la limitation de son mandat : pas de troupes, pas d’armes, pas d’opérations. Juste des conseils, de la coordination et du plaidoyer. Mais face à l’effondrement des institutions haïtiennes, beaucoup questionnent la pertinence d’un tel mandat. Pourquoi maintenir une mission coûteuse et symboliquement forte, si ses marges de manœuvre sont si étroites ?
« Si l’ONU veut réellement aider, qu’elle le fasse autrement. Qu’elle propose une réforme structurelle du système de sécurité, pas seulement des ateliers de formation », critique un ancien haut gradé de la PNH.
Une posture diplomatique de façade ?
Le BINUH affirme soutenir la Police nationale d’Haïti, encourager les mécanismes de dialogue, et promouvoir la bonne gouvernance. Mais pour beaucoup d’Haïtiens, ces efforts restent cosmétiques et déconnectés de l’urgence sécuritaire.
De plus, la mission onusienne est régulièrement accusée de s’aligner sur des agendas politiques, au lieu de véritablement écouter les voix locales. Dans un contexte où la souveraineté nationale est de plus en plus revendiquée, le silence du BINUH face à certaines dérives institutionnelles questionne.
Le désenchantement est palpable. Dans les rues, sur les réseaux sociaux, dans les médias, la crédibilité du BINUH est au plus bas. Beaucoup se demandent si cette entité onusienne n’est pas simplement là pour entretenir l’illusion d’un accompagnement international, pendant que la population, elle, tente de survivre à l’enfer quotidien des zones de non-droit.
Et maintenant ?
L’arrivée annoncée d’une mission multinationale de sécurité, soutenue par le BINUH, est perçue par certains comme un dernier test de pertinence pour l’organe onusien. Mais tant que le BINUH ne passe pas de la parole à l’action, il restera aux yeux de beaucoup un acteur passif, bureaucratique et complice de l’immobilisme ambiant.
Haïti n’a plus besoin de simples diagnostics. Elle a besoin d’engagement, de courage, et surtout de partenaires qui osent sortir du confort de l’observation pour affronter, aux côtés du peuple, la dure réalité de l’insécurité. Le BINUH peut-il relever ce défi, ou restera-t-il à jamais l’invité silencieux d’un pays en détresse ?
Yves Manuel
Vant Bèf Info (VBI)