Haïti et sa Constitution de 1987 : 38 ans d’espoirs brisés et de combats inachevés

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Le 29 mars 1987, le peuple haïtien se rendait aux urnes pour approuver une Constitution censée garantir la démocratie, l’État de droit et la participation citoyenne. Issue d’un contexte post-duvaliériste, marqué par la répression et la soif de changement, cette Constitution représentait un espoir immense pour une nation longtemps opprimée. Mais 38 ans après son adoption, ce texte fondamental semble avoir été continuellement trahi par les luttes de pouvoir, la corruption et l’instabilité politique.

Port-au-Prince, le 29 mars 2025._L’adoption de la Constitution de 1987 ne s’est pas faite sans violence. Dès le jour du référendum, des citoyens ont été tués pour avoir voulu exercer leur droit de vote. Ce contexte sanglant annonçait déjà les nombreuses épreuves que ce texte fondateur allait connaitre. Promettant la fin du règne autoritaire et l’instauration d’une véritable démocratie, la nouvelle Constitution consacrait des principes essentiels : séparation des pouvoirs, libertés fondamentales, et participation des citoyens à la gestion des affaires publiques.
Mais cette promesse a été rapidement mise à mal. Dès 1988, les coups d’État, la montée en puissance de groupes armés et l’ingérence politique ont fragilisé le cadre institutionnel que la Constitution devait garantir. Haïti est ainsi restée prisonnière d’une instabilité chronique qui a empêché toute réelle mise en œuvre des idéaux démocratiques de 1987.
38 ans d’instabilité et de trahisons
Depuis son entrée en vigueur, la Constitution haïtienne a été maintes fois bafouée. En trois décennies, le pays a connu plusieurs changements brusques de régime, des gouvernements de transition et des amendements controversés, souvent au profit des dirigeants en place. Le principe même de la souveraineté populaire a été réduit à des élections contestées et une gouvernance marquée par la corruption et l’inefficacité.
Aujourd’hui, Haïti est plongée dans une crise multidimensionnelle :
Une crise politique : L’absence d’institutions fonctionnelles et la difficulté à organiser des élections transparentes fragilisent encore plus le système démocratique.
Une crise sécuritaire : La montée en puissance des gangs armés a fait de nombreuses zones du pays des territoires hors de contrôle.
Une crise sociale et économique : La misère, l’inflation et le chômage accablent une population désespérée.
Vers un nouveau contrat social ?
Face à ces défis, la question du renouveau constitutionnel se pose avec acuité. Certains plaident pour une refonte complète du texte de 1987 afin d’adapter les institutions aux réalités contemporaines et de mettre un terme aux blocages structurels. D’autres estiment que le véritable problème n’est pas la Constitution elle-même, mais plutôt l’incapacité des élites à la respecter et à la mettre en œuvre.
Quoi qu’il en soit, Haïti ne pourra sortir de cette impasse sans un consensus national fort. La recherche d’un véritable contrat social, où chaque citoyen se sentira partie prenante d’un projet commun, demeure la seule voie vers une stabilisation durable. La Constitution de 1987 était un symbole d’espoir ; 38 ans après, l’heure est venue de transformer cet espoir en réalité politique et institutionnelle.
Le 29 mars reste donc une date chargée de sens : un rappel du rêve démocratique d’Haïti, mais aussi un appel urgent à refonder les bases d’un État véritablement au service de son peuple.
Yves Manuel
Vant Bèf Info (VBI)