Haïti – Enfance abandonnée : plus de 200 enfants livrés à eux-mêmes au Centre d’Accueil de Carrefour

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Le Centre d’Accueil de Carrefour, seule structure publique de réinsertion pour enfants en situation de rue dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, fait face à une crise humanitaire majeure. Plus de 200 enfants y survivent dans des conditions indignes, marquées par la faim, l’insalubrité et l’abandon des autorités.

Carrefour, le 20 mai 2025. –
Lors d’une visite récente de Vant Bèf Info (VBI), les témoignages recueillis dressent un tableau accablant : pénurie de nourriture, absence de lits, de soins sanitaires, aucun espace de jeu. Les bâtiments sont délabrés, la cuisine inutilisable, et le ministère des Affaires sociales et du Travail (MAST), censé assurer la gestion du centre, reste silencieux.

« Nous vivons une situation extrêmement critique. Nous ne pouvons ni manger correctement ni aller à l’école. On est obligé d’aller mendier dans la rue pour survivre », confie Christopher, un jeune garçon ayant fui la violence au Champ de Mars.

Ce cri d’alarme s’inscrit dans un contexte national inquiétant : selon le Programme alimentaire mondial (PAM), près de 5,4 millions d’Haïtiens – soit presque la moitié de la population – sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë, dont deux millions en phase d’urgence.

Un vivier pour les gangs armés
Faute de soutien, plusieurs enfants quittent le centre pour retourner dans la rue, où ils deviennent des proies faciles pour les gangs. Ces groupes, qui contrôlent environ 80 % de la capitale, recrutent activement des mineurs, exploitant leur vulnérabilité pour les intégrer dans des réseaux criminels.

« Plusieurs de nos camarades ont quitté le centre à cause de mauvaises conditions. Peu après, ils ont rejoint des gangs où ils servent d’éclaireurs. Ils sont payés pour ça », raconte un autre enfant. Il ajoute avec inquiétude : « Lapolis ka fè tèt ou », une expression évoquant le risque d’être abattu par la police.

Des promesses sans suite
Face à cette urgence, le ministre Georges Wilbert Franck a promis une réforme du centre, incluant la régularisation des approvisionnements, la réévaluation du nombre d’enfants pris en charge, ainsi que la relance des programmes éducatifs et de formation professionnelle.

Mais sur le terrain, peu de choses changent. Malgré l’intervention de quelques organisations humanitaires, les besoins restent criants et l’inaction de l’État persiste.

Le Centre d’Accueil de Carrefour est devenu le symbole criant de l’abandon des enfants les plus vulnérables d’Haïti. Sans action rapide et structurée des autorités, ces jeunes risquent de sombrer davantage dans la misère, la violence et l’exploitation.

Jean Gilles Désinord
Vant Bèf Info (VBI)

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