Haïti – Éducation : Quand les parents deviennent les piliers de l’apprentissage en temps de crise

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Alors que la crise sécuritaire et politique s’aggrave en Haïti, l’éducation des enfants devient un défi de plus en plus ardu. Face aux fermetures répétées des écoles, les parents se retrouvent en première ligne pour assurer la continuité de l’apprentissage. Témoignages de ces mères et pères qui refusent d’abandonner l’avenir de leurs enfants.

Une mission devenue essentielle
Port-au-Prince, 12 mars 2025 – Dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince et des provinces, l’insécurité oblige les écoles à fermer leurs portes pendant des semaines, voire des mois. Myriam, mère de trois enfants, refuse pourtant de laisser ses enfants décrocher :
« Quand l’école est fermée, je fais tout pour qu’ils continuent d’apprendre. Je leur lis des histoires, je révise leurs leçons et je cherche des ressources en ligne. C’est difficile, mais indispensable. »
Jean-René, père célibataire, vit la même réalité :
« Après une longue journée de travail, je dois encore m’occuper des devoirs de mes enfants. C’est un sacrifice, mais c’est le seul moyen de leur garantir un avenir. »
Ce rôle d’enseignant improvisé s’ajoute aux multiples défis économiques et sécuritaires que ces parents affrontent au quotidien.
Un impact psychologique grandissant
Selon le spécialiste en santé mentale Edner Jean Gilles, l’incertitude scolaire pèse lourdement sur les enfants et leurs familles.
Conséquences sur les enfants :
Stress et anxiété accrus
Difficultés d’apprentissage
Isolement social
Conséquences sur les parents :
Charge mentale exacerbée
Pression financière accrue
Sentiment d’impuissance
« L’instabilité scolaire oblige les parents à jouer un rôle encore plus actif dans l’éducation de leurs enfants. Cela peut renforcer les liens familiaux, mais ne remplace pas une éducation structurée et stable », explique Edner Jean Gilles.
Marie-Claude, mère de famille, témoigne des répercussions sur son fils de 10 ans :
« Il entend des tirs la nuit et n’arrive plus à dormir. Comment peut-il se concentrer sur ses études dans ces conditions ? Je passe du temps à le rassurer, mais ce n’est pas suffisant. »
Une crise humanitaire alarmante
Un rapport de l’ONU publié le 17 janvier 2025 dresse un tableau inquiétant :
Plus d’un million d’Haïtiens sont déplacés à l’intérieur du pays, dont 500 000 enfants contraints de fuir leurs foyers.
Environ 200 000 élèves sont privés d’éducation en raison de la fermeture de 900 écoles, principalement à Port-au-Prince et dans l’Artibonite.
Avec la persistance de l’insécurité, la situation continue de se détériorer, menaçant encore davantage l’avenir des jeunes générations.
Des solutions émergent malgré tout
Pour faire face à cette crise, certains parents s’organisent en petits groupes d’apprentissage. Marlene, enseignante et mère de quatre enfants, témoigne :
« Avec des voisins, nous avons mis en place un système où chacun enseigne une matière aux enfants des autres. Cela permet de maintenir une certaine régularité. »
D’autres, faute de moyens ou de temps, n’ont d’autre choix que de laisser leurs enfants sans encadrement scolaire.
Un appel à l’aide pour une éducation résiliente
Si ces initiatives permettent de limiter la casse, elles restent insuffisantes. Les parents appellent à un soutien renforcé du gouvernement et des organisations internationales pour sécuriser les écoles et améliorer l’accès aux ressources éducatives.
En Haïti, la lutte pour l’éducation ne se mène plus uniquement dans les salles de classe. Elle se joue désormais au sein des foyers, portée par des parents déterminés à offrir un avenir meilleur à leurs enfants, malgré les obstacles.
Judelor Louis Charles
Vant Bèf Info (VBI)